Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 27
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Le miroir lui renvoya leurs deux visages aussi pales l'un que l'autre.
Une flamme etrange brulait dans les yeux du jeune duc et ses mains tremblaient legerement sur la peau soyeuse. Il se pencha assez pour que son souffle chauffat le cou de la jeune fille tandis que, dans la glace, il gardait le regard violet prisonnier du sien.
— Ce rustre merite cent fois la mort pour avoir ose ce que moi-meme je n'ose... quelqu'envie que j'en aie. Vous etes trop belle et j'ai peur de ne plus trouver le repos loin de vous... Quand deviez-vous quitter cette ville ?
— Sitot la procession terminee ! Nos bagages etaient faits, nos mules pretes.
— Alors partez, comme vous le desiriez, partez ce soir meme et que demain vous ayez mis entre vous et Bruges autant de lieues que faire se pourra. Un sauf-conduit vous ouvrira les portes de la ville et vous assurera la route libre. Nous nous retrouverons a Dijon ou, d'ailleurs, je devrais etre.
Genee et aussi vaguement troublee par ces mains qui la serraient toujours, Catherine sentit un bizarre emoi gonfler sa gorge. La voix de Philippe etait a la fois dure et chaude, imperieuse et tendre. Elle voulut lutter contre la fascination reelle qu'il exercait sur elle.
— Nous retrouver a Dijon ? Monseigneur ! Que peut faire de la niece d'un drapier le haut et puissant duc de Bourgogne sinon detruire sa reputation de fille sage ? demanda-t-elle avec un brin d'insolence qui fouetta le sang de Philippe.
Quittant les epaules de la jeune fille, ses mains se perdirent dans les flots soyeux de la chevelure au milieu de laquelle, un court instant, il cacha son visage.
— Ne sois pas coquette, murmura-t-il d'une voix qui s'enrouait. Tu sais tres bien l'effet que tu as produit sur moi et tu en joues impitoyablement. L'amour d'un prince n'apporte pas forcement le deshonneur. Tu sais bien que je ferai des prodiges pour t'avoir. Tu ne serais pas fille d'Eve si tu ne savais lire le desir dans les yeux d'un homme.
— Monseigneur ! protesta-t-elle.
Elle fit un geste pour l'ecarter mais il la tenait bien. Possede tout entier par ce desir imperieux, il venait de coller ses levres au creux tendre du dos, la ou le cou s'attache et se perd dans les ombres douces de la chevelure. Catherine frissonna violemment. La protestation qui lui echappa fut un cri :
— Par grace, Monseigneur ! Ne m'obligez pas a vous gifler, vous aussi ! Ce serait trop pour la journee !
Il la lacha instantanement, s'ecarta de quelques pas. Il etait rouge.
Ses yeux gris etaient encore troubles, ses mains tremblantes. Mais, soudain, il eclata de rire :
— Pardonne-moi ! Il etait ecrit qu'aujourd'hui on te parlerait de ta beaute en termes... un peu trop chaleureux ! J'ai perdu la tete, je l'avoue, et je commence a comprendre ce malotru de pelletier ! C'est ta faute aussi...
Tout en parlant, il allait a un coffre d'ebene, en tirait un long manteau de velours brun a capuchon, tout uni, mais auquel un fourrage de zibeline donnait un tres grand prix. Vivement, il en enveloppa la jeune fille qui disparut tout entiere sous le tissu moelleux. La robe dechiree, les belles epaules tentantes et la gorge ronde, trop decouverte, y trouverent l'abri dont avait besoin le sang bouillant de Philippe. Seule demeura visible la tete couronnee d'or qu'il contempla un instant avec un sourd desespoir.
— Tu es encore plus belle ! Va-t'en ! Va-t'en vite avant que mes demons ne me reprennent. Mais n'oublie pas que je te retrouverai...
Il la poussait vers la porte cachee, ouverte sans que Catherine put voir comment. L'armure brillante d'un garde apparut dans l'entrebaillement.
— Attends ! murmura Philippe.
Il quitta seul la piece ; revint quelques minutes plus tard avec un parchemin scelle qu'il tendit a sa visiteuse.
— Le sauf-conduit ! Va vite... et si tu penses a moi seulement moitie de ce que je penserai a toi, je m'estimerai heureux.
— J'y penserai, Monseigneur, fit-elle avec un sourire. Mais... est-ce que Votre Grandeur se rend compte qu'elle me tutoie encore ?
Le rire de Philippe sonna de nouveau, jeune, clair, comme delivre.
— Il faudra t'y faire ! Il y a en moi quelque chose qui me pousse a te dire « tu »... peut-etre parce que j'espere profondement en avoir un jour le droit...
La main sur le battant de la porte, il la retint encore. De son bras libre, il l'etreignit avec une tendre violence, posa, avant que la jeune fille ait pu s'en defendre, un baiser leger sur ses levres entrouvertes puis la lacha.
— J'en avais trop envie ! fit-il pour s'excuser. Va maintenant.
Sa main glissait sur le velours sombre, comme pour y laisser le regret qu'il avait de la voir s'echapper. Elle allait franchir la porte, glisser vers le garde qui devait la reconduire a son oncle. Une derniere fois, il la retint :
— Un moment encore !
Puis, avec un sourire contrit :
— Je ne sais meme pas ton nom.
Je m'appelle Catherine, Monseigneur, Catherine Legoix, dit-elle en plongeant dans une reverence si profonde qu'elle amena son visage a la hauteur des genoux de Philippe.
Il se pencha pour la relever mais elle s'esquiva, preste et souriante, suivant l'homme d'armes dont les poulaines de fer sonnaient sur les dalles de marbre. Pas une fois elle ne se retourna vers celui qui, en soupirant, la regardait s'eloigner. C'etait la premiere fois que Philippe de Bourgogne laissait sortir intacte de ses mains une femme desiree qui venait de passer un si long moment dans sa chambre. Mais cela, Catherine l'ignorait.
Sa tete bourdonnait et, malgre le petit somme qu'elle avait fait, elle se sentait lasse. Elle eut bien aime gagner son lit, s'etendre entre des draps frais. Elle n'avait guere plus de sympathie pour Philippe qu'en arrivant tout a l'heure, entre ses deux gardes, mais ce moment passe aupres de lui l'avait bizarrement remuee. Sous son baiser, entre ses mains que l'on devinait expertes elle avait senti s'emouvoir les fibres profondes de son etre, naitre un mysterieux frisson qui, en se retirant, la laissait tout amollie et un peu honteuse, comme si elle avait commis une faute.
Sur le palier du grand escalier, elle retrouva Jacques de Roussay dont le regard inquisiteur ajouta encore a sa gene. Elle avait l'impression que les mains et les levres de Philippe avaient laisse sur sa peau des traces visibles. Instinctivement, elle remonta le manteau somptueux sur ses epaules, tira le capuchon sur son front. Les yeux du capitaine s'attachaient a ses levres avec insistance, alors elle les pinca puis, relevant la tete d'un air de defi, se dirigea vers les degres. Il la suivit sans mot dire.
Sous la voute seulement, devant le corps de garde, il se decida a parler :
— J'ai ordre de vous reconduire a la Ronce Couronnee, fit-il d'un ton neutre. Et ensuite de veiller a ce que vous quittiez Bruges sans encombre.
Sous son capuchon, Catherine lui adressa un eclatant sourire qui fit aussitot rougir le jeune homme jusqu'aux oreilles.
— Quel honneur ! Vous n'etes pas charge aussi de nous accompagner jusqu'a Dijon ?
— Helas non... commenca-t-il puis, changeant de ton soudain, il s'ecria plein de joie : Vous allez a Dijon ? C'est la que vous habitez ?
— Mais oui.
— Oh !... Alors je vous reverrai ! Je suis de Bourgogne moi aussi, de la vraie, ajouta-t-il avec un orgueil naif qui fit sourire la jeune fille.
Apparemment celui-la aussi souhaitait poursuivre les relations et, dans son for interieur, Catherine se demanda si, en quittant les Flandres, elle n'aurait pas rendez-vous avec toute l'armee ducale...
Cette idee la mit en si belle humeur qu'elle chantonnait en regagnant l'auberge. Mathieu Gautherin, effondre au coin de la cheminee sans feu, y sanglotait sous l'?il mefiant de l'hote en buvant force pots de biere. L'entree resplendissante de Catherine le stupefia. Il attendait les archers, les juges en robe noire, voire le bourreau en personne et c'etait sa niece qui arrivait, gaie et riante, vetue comme une princesse d'un manteau dont l'?il averti du marchand eut tot fait de supputer la valeur. Un officier du duc, empanache comme un heraut d'armes suivait la pseudo-prisonniere comme un toutou bien dresse...
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