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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 21


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Soulevee de degout, l'adolescente allait s'enfuir. Barnabe la retint d'une main ferme.

— He la !... Un bon soldat ne deserte pas devant l'ennemi, mauviette ! Je comprends bien que tu n'aies pas envie de revoir cette femme... qui d'ailleurs n'a rien d'appetissant. Mais il faut tout de meme rester la.

— Et si elle me reconnait ?

Sous cette defroque ? Cela m'etonnerait. Et sortes de considerations peu flatteuses sur les parents de Sara et sur Sara elle-meme. Mais cette courte joute oratoire avait permis aux hommes de Machefer de se grouper.

— Allons-y ! fit le roi des truands... En avant !...

Barnabe se gara avec Catherine sous l'auvent d'un

talmelier1 qui devait etre a l'execution car ses volets etaient mis. Les deux douzaines d'hommes de main de Machefer s'etaient precipites sur la porte. En un clin d'?il, la mere Caboche fut balayee par la vague d'assaut jusqu'au fond de son echoppe tandis que Sara, desequilibree par la violence du choc, roulait jusqu'au milieu de la ruelle ou Barnabe la ramassa. Elle riait de bon c?ur.

— Pas de mal ? demanda le Coquillart.

— Non. Sauf que le poing de Machefer dirige vers la mere Caboche s'est trompe d'adresse et m'est arrive dans l'?il. Je vais avoir un beau coquart. Il tape comme un sourd ! La brute ! J'ai cru qu'il m'enlevait la tete.

En effet, le tour de l'?il gauche de Sara commencait a bleuir d'inquietante facon, mais elle n'avait rien perdu de sa bonne humeur.

Pendant ce temps, les truands avaient envahi la maison de la tripiere et menaient la-dedans un grand vacarme domine par les hurlements de la victime. Il est probable que les envahisseurs ne devaient pas se contenter de chercher Loyse.

Au bout de quelques instants, Machefer reparut portant dans ses bras une jeune femme seulement vetue d'une longue chemise de toile blanche et dont les cheveux blonds couvraient son epaule.

— C'est bien ca ? demanda-t-il.

Loyse, Loyse !... cria Catherine en se pendant a la main inerte de la prisonniere. Mon Dieu !... Elle est morte !

1. Boulanger.

Un flot de larmes monta aussitot a ses yeux. Barnabe se mit a rire.

— Mais non, gamine, seulement evanouie, mais il faut faire vite.

On la ranimera a l'entrepot.

La jeune fille, en effet, etait inerte, les yeux clos et les narines pincees. Elle etait extremement pale avec de grands cernes violets autour des yeux et sa respiration etait imperceptible. Sara fronca les sourcils.

— Courez alors, car elle est bien pale... Je n'aime pas ca.

Machefer ne se le fit pas dire deux fois et prit sa course a travers les rues de la Cite, laissant ses hommes piller a leur guise la maison de la tripiere. Les trois autres se lancerent dans son sillage. Ce fut une course eperdue, mais Catherine qui avait si longtemps reve de courir dans les rues au fond du caveau de Barnabe, y prit un vif plaisir.

Loyse etait sauvee, on allait partir tous ensemble sur un bateau, voir du pays, faire d'autres connaissances... C'etait comme une magnifique aventure qui s'ouvrait devant elle, effacant un peu les traces profondes des douleurs recentes. Les maisons, les carrefours avec leurs fontaines et leurs croix votives defilaient de part et d'autre de ses pieds rapides.

La Seine fut traversee presque d'un seul bond. Machefer, malgre le poids de Loyse, bien leger mais reel, semblait voler et les trois autres avaient du mal a le suivre. Enfin ils atteignirent les greves de sable jaune que le soleil incendiait. Les portes de l'entrepot des Marchands de l'eau se refermerent sur eux et les engloutirent dans l'ombre chaude de l'interieur. Jacquette les guettait. Elle se jeta avec des sanglots sur Loyse toujours evanouie, mais Sara l'ecarta assez rudement.

— Elle a besoin de soins, pas de larmes. Laissez- moi faire...

Catherine, hors d'haleine et pleine d'un profond sentiment de satisfaction, se laissa tomber dans la poussiere pour reprendre souffle.

Une heure plus tard, assise aupres de Barnabe, a l'avant du chaland, elle regardait defiler Paris. Des larmes roulaient encore sur ses joues et c'etait l'adieu a Landry qui les avait fait couler. Cela avait ete un moment plus dur que l'adolescente n'aurait cru. Elle avait pris conscience, a ce moment, de la place que le jeune garcon tenait dans sa vie. Quant a lui, il etait si emu qu'il n'avait pu retenir une grosse larme qui avait mouille la joue de Catherine. En l'embrassant pour la premiere et la derniere fois, elle avait senti sa gorge s'etrangler. Aucun mot n'etait parvenu a en sortir. Alors Landry avait promis :

— J'irai te voir un jour, je te le jure. Je veux etre soldat et j'irai prendre du service chez Monseigneur de Bourgogne. On se reverra, j'en suis sur...

Il souriait, essayait de faire le brave mais le c?ur n'y etait pas. Les coins de la bouche de Landry, qu'il faisait de si vaillants efforts pour relever, retombaient toujours. Barnabe, alors, avait brusque les adieux, embarque Catherine presque de force en la prenant sous son bras.

Ainsi portee comme un paquet, elle pleurait comme une fontaine et criait des « au revoir » coupes de sanglots. Les mariniers avaient pousse sur leurs longues perches qui allaient chercher appui sur le fond vaseux de la riviere. Le chaland s'etait ecarte lentement de la rive, avait glisse sur l'eau jaune, chargee de limon et de sable. Mais les mariniers avaient a fournir un rude effort pour remonter le courant. Ils n'avaient pas pris le milieu ou ce courant etait plus fort. Ils se tenaient tout pres des rives.

Une autre peine pesait sur le c?ur de Catherine et c'etait l'etrange attitude de Loyse. Lorsqu'elle avait repris conscience, la jeune fille avait d'abord regarde avec etonnement les visages, connus ou inconnus, qui se penchaient sur elle. Elle avait vu sa mere en larmes, sa s?ur souriante mais, au lieu de se laisser aller a la joie des retrouvailles et de se jeter au cou de celles qu'elle aimait, elle s'etait au contraire arrachee des bras de Jacquette pour aller se tapir dans un coin de l'entrepot ou s'empilaient barriques, balles de cuir, poteries, mesures de bois ou de grains.

— Ne me touchez pas... avait-elle crie si sauvagement que ce cri avait resonne jusqu'au fond du c?ur de sa s?ur.

Jacquette avait tendu les bras, desesperee.

— Ma petite... ma Loyse ! C'est moi, ta mere... Est-ce que tu ne reconnais plus ta mere ? Est-ce que tu ne m'aimes plus?

Dans son coin, repliee sur elle-meme, Loyse avait l'air d'un petit animal pris au piege. On ne voyait dans son visage maigre que ses yeux pales, agrandis d'horreur. Ses mains etaient crispees sur sa poitrine, si fort que les jointures en etaient toutes blanches, mais un sanglot avait fele sa voix.

— Ne me touchez pas. Je suis souillee, impure !... Je ne suis plus que boue et immondices. Je ne peux plus que faire horreur a n'importe quelle honnete femme. Je ne suis plus votre fille, mere, je suis une ribaude, une fille folle, la maitresse de Caboche l'ecorcheur... Allez-vous-en, laissez-moi...

Jacquette ayant voulu s'approcher d'elle, Loyse avait recule plus loin, se trainant dans la poussiere grise du sol comme si la main de sa mere eut ete un fer rouge. Sara s'etait interposee. D'un bond de chatte, elle avait litteralement saute sur Loyse, l'avait immobilisee entre ses bras souples et forts. Il n'y avait pas de temps a perdre.

Moi je peux te toucher, fillette. Il y a longtemps que j'ai connu cette souillure dont tu parles, mais tu ne dois pas t'en torturer ni en tourmenter ta pauvre mere, parce qu'elle n'a marque que ton corps.

Ton ame, elle, est demeuree pure puisque tu n'avais pas voulu cela.

— Non, hurla Loyse, je ne l'ai pas voulu, mais parfois j'ai trouve du plaisir a ses caresses. Quand ses mains parcouraient mon corps, quand il me possedait, il m'est arrive de crier dans l'intensite du plaisir... et aussi de le desirer. Moi qui ne vivais que pour Dieu, qui ne voulais que Dieu...

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