Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 20
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Elle etait toute drole, Catherine, ce jour-la. Barnabe l'avait fait habiller en garcon. Elle portait des chausses collantes, grises, prises dans de fortes chaussures de bon cuir epais, une tunique de futaine verte et, malgre la chaleur, un capuchon qui enserrait etroitement son visage et se continuait par une sorte de petite cape dentelee couvrant ses epaules. Cette coiffure dissimulait totalement sa chevelure. Sara l'avait tressee tres serree pour qu'elle tint le moins de place possible.
L'ensemble lui allait a merveille et lui donnait l'air d'un farfadet. Elle n'etait d'ailleurs pas la seule a avoir modifie son aspect : Barnabe etait meconnaissable.
La houppelande aux coquilles etait emballee dans les colis et le Coquillart arborait une robe de petit drap de couleur brune que serrait a la taille une ceinture de cuir supportant une large bourse. Une chaine avec une medaille de Saint-Jacques pendait a son cou et il portait un chaperon de meme couleur que sa robe, drape si artistement et de maniere si compliquee qu'il etait impossible de deviner que ledit chaperon contenait les economies du Coquillart tandis que la bourse gonflee ne recelait que de la menue monnaie. Tel quel, avec ses poulaines depassant sa robe d'un demi-pied, il avait assez l'air d'un marchand, aise sans etre riche, et retire des affaires. Catherine devait passer pour son petit-fils. Seule Sara avait garde son etrange costume qui allait avoir son utilite. Tous quitterent ensemble la Cour Saint-Sauveur puis, a la lisiere du domaine des gueux, les deux groupes tirerent chacun de son cote ; Catherine, Sara et Barnabe par la Monnaie royale, tandis que Jacquette et Landry allaient longer l'hotel d'Alencon et les tours du Louvre. Machefer et ses hommes devaient deja etre dissemines dans la Cite et aux abords du Marche Notre-Dame.
Malgre le danger qu'elle courait avec ses compagnons, Catherine se sentait plus heureuse qu'elle ne l'avait ete depuis le drame. C'etait bon de retrouver le soleil, la rue libre ! Et aussi, il y avait l'excitation de l'aventure, la chasse au gibier humain. On allait arracher Loyse a la bete feroce qu'etait Caboche.
La cloche de Saint-Germain l'Auxerrois sonnait none quand Jacquette et Landry passerent devant l'eglise. Us descendirent vers le bord de l'eau dans la chaleur de la journee sans trop rencontrer de monde. Tout le contenu de la ville etait sans doute rassemble sur le passage du condamne. Il devait y avoir, en outre, un peu partout, des baladins et des jongleurs, des montreurs d'animaux savants et des conteurs des rues car rien n'attirait la foule autant qu'une belle execution et c'etait une rejouissance a laquelle participaient tous les elements d'une vraie fete. La mort comptait si peu !
Pendant ce temps, Catherine et Barnabe, suivis a trois pas par Sara, prenaient a leur tour le chemin du bord de l'eau, mais plus en amont.
Le moment penible fut, pour le faux garcon, quand il fallut franchir le Pont-au-Change. La maison familiale etait toujours la mais les murs eventres perdaient leur platre, les fenetres beaient, montrant le vide interieur et la belle enseigne de jadis avait ete arrachee. Ce n'etait plus qu'une carcasse vide dont l'ame s'etait envolee. La gorge serree, Catherine ferma les yeux de toutes ses forces et souhaita etre tres loin.
Barnabe pressa le pas en serrant plus fort dans la sienne la main de l'adolescente.
— Courage ! souffla-t-il, tu verras qu'il y a bien des moments ou il en faut, et du plus rude ! Tu auras bientot une autre maison...
— Mais pas un autre Papa... murmura-t-elle, prete a pleurer.
— Moi, j'avais sept ans quand les sergents du guet ont pris le mien.
Et quand je pense a la mort qu'il a eue, je me suis souvent dit que j'aurais donne cher pour qu'il fut seulement pendu.
— Que lui a-t-on fait ?
— Ce que l'on fait aux faux monnayeurs : on l'a fait bouillir au Morimont de Dijon...
Une exclamation d'horreur echappa a Catherine mais ses larmes s'arreterent et elle poursuivit son chemin en silence. Courageusement, elle chassa les souvenirs cruels qui chaviraient son c?ur a un moment ou il lui fallait se comporter vaillamment. Quand on fut au Marche Notre-Dame, elle put voir que Machefer et ses hommes, sous divers deguisements, en soldats, en bourgeois ou meme en moines, musaient aux alentours, fideles au rendez-vous. Seul Machefer avait conserve son deguisement de mendiant. Barnabe montra alors discretement la maison de la tripiere, toujours aussi bien fermee.
— A toi Sara !...
Sur un signe de tete, la bohemienne, roulant des hanches et chantonnant, s'avanca sans se presser jusque dans la rue. Elle tenait un tambourin a la main sur lequel elle se mit a frapper pour accompagner sa chanson.
Elle chantait ou plutot elle fredonnait sur un rythme nonchalant, frappant de temps en temps son tambourin de son poing ferme. Mais peu a peu, le chant se fit plus fort, plus distinct encore que les paroles barbares fussent incomprehensibles. La melodie etait bizarre, coupee de silences et de notes aigues pareilles a des cris et la voix un peu rauque de Sara lui donnait une profondeur mysterieuse, une puissance d'incantation. Catherine ecoutait de toutes ses oreilles, subjuguee. Un ou deux visages apparurent aux fenetres tandis que les rares passants s'arretaient : en tout, cela ne devait guere faire plus d'une dizaine de personnes. Machefer s'approcha de Barnabe sous couleur de demander l'aumone.
— Si la vieille n'ouvre pas sa porte, il faudra l'enfoncer, he ?
Barnabe fouilla dans sa bourse, en tira un sol qu'il fourra dans la main crasseuse :
— Bien entendu. Mais j'aimerais autant l'eviter. Casser les portes, cela fait toujours du bruit meme s'il n'y a personne.
Aucun visage n'apparaissait derriere les carreaux de la tripiere. La maison eut paru morte si des bruits ne s'etaient fait entendre a l'interieur. Soudain, Catherine blemit et s'agrippa a Barnabe.
— Mon Dieu !... Voila Marion !... fit-elle en designant discretement une forte commere qui venait d'apparaitre au bout de la rue.
Le Coquillart leva les sourcils :
— Qui ? Votre ancienne servante ? Celle qui...
— Oui, qui a jete la foule sur notre maison, cause la mort de Michel et de Papa. Oh, je ne veux pas la voir !
Soulevee de degout, l'adolescente allait s'enfuir. Barnabe la retint d'une main ferme.
— He la !... Un bon soldat ne deserte pas devant l'ennemi, mauviette ! Je comprends bien que tu n'aies pas envie de revoir cette femme... qui d'ailleurs n'a rien d'appetissant. Mais il faut tout de meme rester la.
— Et si elle me reconnait ?
Sous cette defroque ? Cela m'etonnerait. Et bizarre, coupee de silences et de notes aigues pareilles a des cris et la voix un peu rauque de Sara lui donnait une profondeur mysterieuse, une puissance d'incantation.
Catherine ecoutait de toutes ses oreilles, subjuguee. Un ou deux visages apparurent aux fenetres tandis que les rares passants s'arretaient : en tout, cela ne devait guere faire plus d'une dizaine de personnes. Machefer s'approcha de Barnabe sous couleur de demander l'aumone.
— Si la vieille n'ouvre pas sa porte, il faudra l'enfoncer, he ?
Barnabe fouilla dans sa bourse, en tira un sol qu'il fourra dans la main crasseuse :
— Bien entendu. Mais j'aimerais autant l'eviter. Casser les portes, cela fait toujours du bruit meme s'il n'y a personne.
Aucun visage n'apparaissait derriere les carreaux de la tripiere. La maison eut paru morte si des bruits ne s'etaient fait entendre a l'interieur. Soudain, Catherine blemit et s'agrippa a Barnabe.
— Mon Dieu !... Voila Marion !... fit-elle en designant discretement une forte commere qui venait d'apparaitre au bout de la rue.
Le Coquillart leva les sourcils :
— Qui ? Votre ancienne servante ? Celle qui...
— Oui, qui a jete la foule sur notre maison, cause la mort de Michel et de Papa. Oh, je ne veux pas la voir !
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