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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 12


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— Alors, tachez de dormir un peu ! Je vais me coucher. Je redescendrai quand j'entendrai siffler Landry. Ma chambre donne sur la riviere.

Un craquement leger a l'etage superieur lui fit refermer la trappe hativement, le c?ur battant. Au meme instant, la grosse horloge du Palais sonna dix coups. Encore au moins deux heures a attendre !

Retournant a la cuisine, Catherine couvrit le feu d'une bonne couche de cendres et, laissant seulement une chandelle allumee pour le retour de Loyse, se disposa a monter. Loyse rentra comme elle mettait le pied sur la premiere marche. La jeune fille avait la mine sombre : «

La mere de Landry ne va pas bien du tout ! » dit- elle. « Elle s'epuise en vains efforts. J'aurais voulu rester mais Maman m'a renvoyee a cause de toi. Tu allais te coucher ? »

— Oui. Mais si tu veux manger...

— Non. Je n'ai vraiment pas faim. Allons dormir ! Tu dois etre rompue de fatigue apres ta tournee des ruisseaux...

Les deux s?urs regagnerent leur petite chambre et se deshabillerent en silence mais, tandis que Loyse, apres un « bonsoir » deja ensommeille, s'endormait des que sa tete eut touche l'oreiller Catherine se coucha avec la ferme intention de ne pas clore les yeux.

C'etait terriblement difficile. Une fois couchee, la fatigue accumulee durant cette memorable journee se lit sentir. Les draps epais, fleurant la lessive fraiche et le laurier, etaient bons a son corps douloureux et le sommeil, imperieux chez les enfants, appesantissait ses paupieres.

Pourtant, il fallait tenir a tout prix, afin d'aider Landry, le cas echeant.

Pour tenter d'eloigner le sommeil, elle commenca a se raconter des histoires, puis essaya de se souvenir bien clairement de tout ce que Michel lui avait dit, sans rien oublier. Il y avait aussi ce baiser qu'il lui avait donne et dont elle frissonnait encore. La respiration reguliere de Loyse, couchee aupres d'elle, agissait sur elle comme un anesthesique.

Elle allait succomber quand un bruit insolite la fit se dresser sur son seant, tout a fait eveillee.

A l'etage superieur, une porte grincait faiblement, comme si quelqu'un l'ouvrait avec precautions. Des pas mous glisserent prudemment, atteignirent l'escalier dont la premiere marche craqua. Le nez leve vers les solives invisibles du plafond, l'oreille au guet, Catherine suivait l'avance de la personne qui marchait et qui ne pouvait etre que Marion. Mais ou donc allait- elle a cette heure ?

Le pas maintenant se rapprochait. Il s'arreta derriere la porte de la chambre sous laquelle filtra la lueur d'une chandelle. Marion, sans doute, ecoutait si les filles dormaient bien et Catherine prit soin de ne pas faire craquer le lit en remuant. Au bout d'un moment on recommenca a descendre, toujours aussi precautionneusement. Dans le noir, Catherine ne put s'empecher de sourire. Apres ses nombreuses libations, la grosse Marion devait avoir le plus grand besoin d'une pinte d'eau fraiche pour chasser les vapeurs du vin, a moins qu'elle n'eut faim. Dans une minute elle remonterait apres avoir pris a la cuisine ce qu'elle desirait.

Rassuree, la jeune fille allait se recoucher quand un nouveau bruit la jeta brusquement hors de son lit, le c?ur battant a se rompre. Il n'y avait pas a se tromper sur ce craquement-la. C'etait celui de la trappe de l'atelier. Marion n'allait pas chercher de l'eau. Elle allait chercher un supplement de vin dans la resserre ou un tonneau etait continuellement en perce.

Avec des gestes que la peur rendait maladroits, la petite enfila sa chemise, se glissa dans l'escalier apres s'etre assuree d'un coup d'?il que Loyse dormait toujours. Puis sans plus prendre de precautions, elle devala les marches raides, faillit s'etaler et se retrouva en bas sans savoir comment elle ne s'etait pas rompu le cou. La trappe de la cave etait grande ouverte. Une lumiere s'en echappait. A ce moment, un veritable hurlement vrilla le silence de la maison.

— Au secours !... a moi !... a l'aide !... braillait Marion dont la voix criarde sonna aux oreilles de Catherine comme la trompette du jugement dernier. Au secours !... A l'Armagnac !...

Plus morte que vive, l'adolescente se jeta a bas de l'echelle, se retrouva dans la cave et vit que la grosse Marion, en chemise, se cramponnait de toutes ses forces au pourpoint de Michel en hurlant comme une folle. Celui-ci, bleme, les dents serrees, faisait d'inutiles efforts pour lui echapper. L'ivresse et la peur decuplaient les forces de la grosse femme. Comme une furie, Catherine bondit sur elle et, frappant des pieds et des poings, parvint a degager un peu Michel.

— Tais-toi, vieille folle ! cria-t-elle exasperee. Mais tais-toi donc...

Faites-la taire, messire, tapez dessus ; elle va ameuter tout le quartier...

Marion n'en cria que de plus belle. D'une secousse Michel etait parvenu a se liberer et Catherine faisait de son mieux pour maintenir Marion. Du regard, elle designa la petite fenetre au jeune homme.

— La lucarne, messire !... Sautez, sautez vite ! c'est votre seule chance de salut. Vous savez nager ?

— Oui-

Deja il glissait son corps mince dans l'etroite ouverture quand Marion qui, sous l'influence du vin et de la peur ne se possedait plus, mordit cruellement Catherine au bras pour lui faire lacher prise et se rua sur lui. Elle le saisit par une jambe sans cesser de hurler. On entendait, au-dehors, les coups violents qui deja ebranlaient les volets de bois, repondant aux hurlements de la furie. Etourdie par la douleur, Catherine avait roule jusqu'au tas de bois, elle se releva pourtant, chercha autour d'elle quelque chose pour liberee Michel. Celui-ci a demi engage dans la lucarne avait une jambe prisonniere et ne pouvait se defendre qu'avec l'autre. Le fer d'une hache que la chandelle faisait briller attira l'attention de la jeune fille. Elle s'en saisit, marcha sur Marion en levant l'arme prete a frapper. Helas, a ce moment precis, la porte de la rue s'effondrait dans un grand craquement de bois. Des gens degringolaient l'echelle, envahissaient la cave. Des figures rougies par le reflet de la chandelle se montrerent. Elles parurent a Catherine autant de demons vomis par l'enfer. La hache fut arrachee de ses mains par un homme qui avait bondi dans la cave. Un autre avait suivi, puis un autre.

— C'est un Armagnac ! glapit Marion, plus qu'a moitie enrouee...

C'etait plus qu'il n'en fallait dire. En une fraction de seconde, Michel, qui se debattait avec l'energie du desespoir, fut empoigne tandis que la grosse Marion dont la chemise retroussee laissait voir d'enormes cuisses, striees de varices grosses comme des cordes, se laissait rouler dans un coin avec un soupir de soulagement. Apres quoi, elle rampa vers le tonneau sous lequel elle s'installa pour boire plus commodement.

Figee d'horreur et de peur, Catherine se retenait au tas de fagots pour ne pas tomber. La cave etait maintenant pleine d'hommes qui bourraient Michel de coups de poing. Chacun de ces coups allait resonner douloureusement jusqu'au fond du c?ur de la jeune fille. Ces brutes cognaient comme des sourds, hurlaient et, sous cette voute basse, dans la fumee des quinquets que certains avaient apportes avec eux, tous ces corps plus ou moins depenailles, puant le vin, et se demenant, formaient un tableau d'une revoltante brutalite. Deja le pourpoint violet et argent avait ete arrache des epaules de Michel.

Quelqu'un cria :

— Mais c'est le damoiseau qui nous a file dans les doigts tout a l'heure, celui qu'on menait pendre a Montfaucon et qui a crache au visage de notre duc !...

Une enorme clameur repondit aussitot :

— A mort, a mort !... donnez-le-nous.

Pousse, tire, le jeune homme, deja etroitement ligote, etait hisse sur l'echelle vers la rue. Son apparition sur le pont fut saluee de nouveaux cris ou la haine se melait a une joie feroce. En aveugle, Catherine se jeta en avant, s'accrocha des ongles a l'echelle, se retrouva en haut.

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