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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 11


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— Et vos parents ? demanda-t-elle quand il se tut. Vous les avez toujours ?

Mon pere est mort, il y a maintenant dix ans et je m'en souviens mal.

C'etait un vieil homme de guerre, toujours sombre. Il avait passe sa jeunesse a chasser l'Anglais avec le Grand Connetable et, apres Chateauneuf-de-Randon qu'ils assiegeaient ensemble et ou Bertrand Du Guesclin trouva la mort, il avait raccroche son epee au mur parce qu'aucun chef ne lui semblait plus digne d'etre servi. Ma mere, elle, a tenu la terre et m'a fait homme. C'est elle qui m'a envoye aupres de Monseigneur de Berry, notre suzerain, au service de qui je suis demeure un an avant d'etre cede au prince Louis de Guyenne. Ma mere mene tout la-bas, de main de maitre et garde encore aupres d'elle mon jeune frere...

Saisie d'un respect soudain, un peu triste aussi de le sentir tellement au-dessus d'elle, Catherine demanda :

— Vous avez un frere ?

— Oui. Il est mon cadet de deux ans et brule de se battre. Oh, ajouta Michel avec un sourire qui s'attendrissait, il fera un fameux capitaine ! Il faut le voir monter a cru les gros chevaux des metairies et entrainer a l'assaut les garnements du village. Il est deja fort comme un Turc et ne reve que plaies et bosses. Mais je l'aime bien, mon petit Arnaud !... Bientot il entrera, lui aussi, dans la carriere des armes. Ma mere demeurera seule. Elle en souffrira sans doute, mais elle n'en dira rien. Elle est trop haute et trop fiere pour une plainte.

En evoquant les siens, le visage de Michel s'etait eclaire d'une telle lumiere que Catherine, extasiee, ne put s'empecher de demander :

— Votre frere, est-ce qu'il est aussi beau que vous ?

Michel se mit a rire, caressa doucement la tete blonde.

— Bien plus ! Cela ne se compare pas. Et il est tendre aussi sous son aspect farouche, de c?ur chaud, lier et passionne. Je crois qu'il m'aime beaucoup !

Sous la main qui caressait sa tete, Catherine, tremblante, n'osait bouger. Brusquement Michel se pencha, posa ses levres sur le front de la petite, tout pres des tempes.

— Malheureusement, dit-il, je n'ai pas de petite s?ur a aimer !

— Elle vous aurait aime fort, elle aussi, commenca Catherine extasiee.

Mais elle s'arreta, epouvantee. Au-dessus de sa tete, un pas resonnait. Elle avait oublie la fuite du temps et Loyse devait etre rentree. Il fallait remonter. Michel, d'ailleurs, avait entendu lui aussi et ecoutait, la tete levee .vers les poutres. Rapidement, pour justifier sa presence dans la resserre, Catherine ramassa quelques buches, se hata vers l'echelle en posant un doigt sur ses levres pour recommander le silence au fugitif. Derriere elle la trappe et l'obscurite retomberent sur lui. Mais lorsque la petite, ses buches dans les bras et sa chandelle dessus, parvint a la cuisine, elle vit que c'etait Marion qui etait rentree. Celle-ci la regarda avec un melange de surprise et de colere.

— Comment... tu es la ? Mais d'ou sors-tu ?

— Tu vois : de la cave, fit Catherine suave. J'ai ete chercher du bois.

La grosse Marion avait un drole d'aspect, ce soir. Tres rouge, sa large figure couperosee presque vernie, le bonnet en bataille, elle avait de nettes difficultes d'elocution. Son regard, vacillant, avait du mal a fixer quelque chose. Elle n'en attrapa pas moins Catherine par un bras pour la secouer d'importance.

— T'as de la chance que tes parents aient ete dehors toute la sainte journee, petite malheureuse ! Sinon, les fesses auraient pu t'en cuire. Aller trainer comme ca, tout le jour, avec un garcon.

Elle se penchait vers Catherine suffisamment pour que celle-ci sentit son haleine fortement parfumee de vin. D'un geste sec la jeune fille degagea son bras, posa sa chandelle sur un escabeau et ramassa deux buches qui avaient roule a terre.

— Et aller boire au cabaret avec les commeres ? Tu crois que c'est mieux ? Si j'ai de la chance, tu en as au moins autant que moi, Marion, et, a ta place, j j'irais me coucher avant que Maman ne revienne.

Marion se savait en faute. Ce n'etait pas une mauvaise creature. Nee un peu trop pres des vignes de Beaune, elle aimait le vin plus qu'il ne convient a une femme. Ce n'etait pas souvent qu'elle se laissait aller a son penchant parce que Jacquette Legoix dont elle etait la s?ur de lait et qui, lors de son mariage avec Gaucher Legoix l'avait amenee avec elle depuis la Bourgogne, la surveillait de pres. Deux ou trois fois, Marion s'etait fait surprendre en etat d'ebriete avancee et Jacquette l'avait menacee de la renvoyer chez elle, sans autre explication, a la prochaine recidive. Il y avait eu des pleurs, des supplications, des serments sur la statue de Notre-Dame. Marion avait jure ses grands dieux de ne jamais recommencer. Sans doute, l'agitation insolite de Paris etait-elle cause de cette rechute inattendue.

Tout cela, Marion en prit conscience a travers les vapeurs du vin et n'insista pas. Trainant les pieds, maugreant des paroles inintelligibles, elle se dirigea vers l'escalier. Les marches grincerent sous son poids.

Bientot Catherine entendit claquer sur elle la porte du galetas et poussa un soupir de soulagement. L'absence de Loyse se prolongeait et la jeune fille hesita un moment sur ce qu'elle devait faire. Elle n'avait ni faim ni sommeil. La seule chose dont elle eut envie etait de retourner aupres de Michel parce qu'elle n'avait encore jamais connu de moment plus merveilleux que celui ou, assis tous deux dans la poussiere, elle l'avait ecoute se raconter. Le baiser si doux qu'il lui avait donne la bouleversait encore. Obscurement, Catherine sentait que des moments comme celui-la etaient rares et elle etait assez raisonnable pour comprendre que dans quelques heures, Michel s'enfuirait, rejoindrait son rivage a lui. Le fugitif traque redeviendrait alors un seigneur, c'est-a-dire un etre inaccessible pour la fille d'un artisan. Le gentil compagnon d'un instant ne serait plus qu'un etranger lointain. Il se souviendrait a peine, dans quelque temps, de la gamine qu'il avait eblouie. Michel lui appartenait encore, mais bientot, il lui echapperait...

Triste, soudain, Catherine alla jusqu'a la porte de la rue dont elle entrouvrit le volet superieur. La pluie avait cesse, laissant de grandes mares luisantes. Les cheneaux deversaient le trop-plein des gouttieres mais le pont, desert tout a l'heure, avait retrouve une agitation insolite.

La chaine avait ete retiree. Les deux gardiens etaient partis et des groupes nombreux, dont la plupart zigzaguaient dangereusement, traversaient, se tenant par le bras et chantant a tue-tete. Apparemment il n'y avait pas que Marion qui eut fete la victoire populaire. Du cabaret des Trois Maillets, au bout du pont, du cote du Palais, des cris et des chants se faisaient entendre. Le couvre-feu de Notre-Dame, qui n'avait pas encore sonne et ne sonnerait sans doute pas, ne ferait surement rentrer personne. On festoierait toute la nuit.

Soucieuse, Catherine se demanda ce que pouvait faire Landry, s'il avait pense a munir Michel d'une corde. Chez les Pigasse on voyait, derriere les carreaux de papier huile, s'agiter les lumieres. Apercevant une bande de soldats ivres qui arrivaient, accroches au bras les uns des autres et tenant toute la largeur du pont en chantant :

« Duc de Bourgogne Dieu te tienne en joie

!... »

Catherine referma le battant, rentra dans l'atelier puis, passant pres de la trappe, hesita un instant. Il fallait tout de meme etre sure que Landry avait bien apporte une corde. Soulevant la trappe, elle se pencha, appelant doucement :

— Messire ! C'est moi, Catherine ! Je voudrais savoir si Landry a pense a la corde ?

La voix de Michel lui parvint, etouffee : « Soyez tranquille ! Je l'ai !

De toute facon, il y en avait deja une ici. Landry m'a dit qu'il reviendrait entre minuit et une heure. Il sifflera trois fois lorsqu'il sera sous le pont avec la barque. Tout va bien »

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