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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 24


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Ce n'etait qu'un tison qui, soulevant la couche de cendre dont la servante avait couvert le feu pour n'avoir pas le mal de le rallumer au matin, avait eclate. Jacques prit une profonde respiration tandis que Catherine laissait echapper un soupir. Ils echangerent un regard, un sourire assez tremblant. Lentement, pouce par pouce, le vantail de chataignier s'ouvrit. Jacques souffla sa chandelle, la posa a terre, tira apres lui Catherine et Sara, puis referma la porte. Sous l'auvent, en face d'eux, une lueur filtrait a la porte de l'ecurie. Ils s'y dirigerent.

— C'est nous, mon frere, souffla Jacques.

Dans l'ecurie, en effet, Frere Etienne etait au travail. A l'aide de chiffons qu'il avait du prendre dans la cuisine de l'aubergiste, il enveloppait soigneusement les sabots des chevaux avec autant de serenite que s'il eut dit son breviaire. Jacques et Sara se mirent a l'aider. En quelques instants, tout fut pret pour le depart et, tandis que Jacques courait ouvrir la porte charretiere, les trois autres, pincant les naseaux des chevaux, les menerent l'un apres l'autre, tres doucement, jusqu'a la rue. Celle-ci donnait sur le chevet de l'eglise Sainte-Croix.

De la, une sorte de champ de foire montait vers le beffroi et vers le chateau dont la masse trapue se decoupait sur le ciel sombre.

Catherine resserra son manteau autour de son cou. Le vent qui soufflait du plateau etait rude, sec et coupant. Aucune lumiere ne trouait la nuit hormis, au pont-levis du chateau, un pot a feu qui brillait dans son berceau de fer comme une etoile rouge. La coulee des maisons semblait sourdre de la rustique forteresse dont la couronne de pierre dominait les toits biscornus qui s'etayaient l'un l'autre. Plus bas, devant l'eglise, une sorte de tour aux murs aveugles se dressait.

— Les prisons ! dit seulement Jacques C?ur, comme s'il voulait fortifier le courage de Catherine. Suivez- moi. Il nous faut monter jusqu'au chateau.

— Au chateau ? fit Catherine en echo.

— Mais oui, Justin Esperat nous y attend pres du mur d'enceinte.

La-haut, vers le plateau, la muraille du castel et celle de la ville se confondent.

— Et alors ? Je ne vois toujours pas.

Vous allez voir. Le ciel, apparemment, est avec nous. Le gel, cet hiver, a mordu si fort que des pierres ont eclate et qu'une breche s'est ouverte dans la muraille. Cette breche est gardee, bien entendu, en attendant que la fin des frimas permette de reparer. Mais, il se trouve qu'a partir de la premiere heure, c'est Esperat qui est de garde. Cette fois Catherine ne repondit pas. Il n'y avait plus rien a objecter. Et puis, la montee etait rude et, a mesure que l'on montait, le froid rendait la respiration difficile. Enfin, il /allait maintenir fermement les betes pour les empecher de glisser. Bientot l'ombre se fit plus epaisse. On longeait les courtines du chateau. Le grand pont- levis etait releve, mais celui de la poterne etait en place. Un homme d'armes y veillait, appuye lourdement sur sa guisarme. C'etait la que brulait le pot a feu.

Jacques C?ur leva la main pour commander la halte, s'approcha de Catherine.

— Nous devons passer presque sous le nez du garde. Pour cela, il n'y a qu'un moyen : l'occuper, chuchota- t-il.

— Mais comment ?

— Je pense que cela regarde Frere Etienne. Incroyable ce que l'on peut faire avec une robe de cordelier !

Catherine allait sans doute demander plus d'explications, mais le moine remettait deja dans les mains de Jacques C?ur la bride de son cheval.

— Laissez-moi faire ! Guettez seulement le moment propice et faites le moins de bruit possible.

Frere Etienne rabattit son capuchon sur sa tete, glissa ses mains dans ses manches, puis, hardiment, s'avanca vers la tache de lumiere ou l'homme d'armes sommeillait sur son arme comme un heron melancolique. Tapis derriere leur contrefort de lave, les autres retenaient leur souffle. Le bruit des pas du moine avait eveille le soldat qui rectifiait la position.

— Qui va la ? fit-il d'une voix enrouee de fatigue. Que voulez-vous, mon Pere ?

— Je suis le Frere Ambroise, du couvent de Saint- Jean, mentit le cordelier avec un aplomb superbe. Je viens apporter les secours de la religion a l'homme qui va mourir.

— Quelqu'un va mourir ? s'etonna le soldat. Qui donc ?

Est-ce que je sais ? Quelqu'un de chez vous est venu demander un pretre pour entendre une confession. On n'a rien dit de plus !

L'archer repoussa son casque et se gratta la tete. Il ne savait, visiblement, a quoi se resoudre. Finalement, il mit sa guisarme sur l'epaule.

— Je n'ai point d'ordre, mon frere. Partant, je n'peux point prendre sur moi d'vous faire entrer. Patientez un instant.

— Depechez-vous, mon fils, fit Frere Etienne aigrement. La bise est coupante.

L'homme disparut sous l'ogive basse de la poterne. Il allait au corps de garde chercher des instructions.

— Maintenant ! souffla Jacques C?ur.

Ils quitterent leur abri, traverserent rapidement la zone lumineuse.

Les sabots enveloppes de chiffons des chevaux ne faisaient aucun bruit. Le temps de trois battements de c?ur effrayes et l'obscurite les avait engloutis de nouveau, mais la respiration de Catherine etait aussi forte que si elle avait fourni une longue course. L'angle d'une tour a bec offrit aux fugitifs un nouveau refuge. Cependant, le soldat revenait.

— Faites excuse, mon Frere, mais on vous a mal informe.

Personne, cette nuit, n'est au mouroir.

— Cependant, je suis certain...

L'homme hocha la tete d'un air sincerement desole.

— Faut croire qu'il y a eu erreur. Ou bien qu'un mauvais plaisant...

— Un mauvais plaisant ? S'attaquer a un serviteur de Dieu ? Oh, mon fils ! s'offusqua le moine avec un naturel parfait.

— Dame ! Dans ces malheureux temps qu'nous vivons, mon frere, faut plus s'etonner de rien. Si j'etais vous, j'irais bien vite me remettre au chaud.

Frere Etienne haussa les epaules et tira davantage son capuchon sur son visage.

Puisque je suis dehors, je vais aller jusqu'a la porte de Clermont voir la vieille Marie qui est bien mal ! Les nuits sont longues quand la mort approche et c'est dans les petites heures que l'angoisse est la plus forte. Dieu vous garde, mon fils !

Frere Etienne esquissa une benediction puis quitta a son tour le cercle de lumiere tandis que le soldat s'appuyait de nouveau sur son arme et reprenait sa faction morose.

Quelques instants plus tard, il avait rejoint les trois autres. A mesure que la nuit s'ecoulait, le froid se faisait plus apre et, derriere l'epaisse et rude muraille de la cite ou s'appuyaient quelques masures croulantes, on entendait le vent siffler, balayant librement le haut plateau. Sans un mot, Jacques C?ur avait repris la tete de la petite troupe. On cheminait maintenant dans un etroit boyau qui se creusait entre le mur de ville et celui du chateau menant a un cul-de-sac. La, d'intolerables odeurs s'elevaient, si lourdes que le froid ne les attenuait pas. Catherine, luttant courageusement contre la nausee, avait la sensation de s'enfoncer au c?ur d'un univers gluant et humide ou l'air devenait puanteur. Les sabots enveloppes des chevaux glissaient sur d'innommables detritus. La riviere etait loin, les gens du quartier avaient trouve la un depotoir commode.

Soudain, la muraille parut se fendre, le ciel reapparut et une silhouette sombre se detacha de l'ombre.

— Est-ce vous, maitre C?ur ?

— C'est nous, Justin ! Sommes-nous en retard ?

— Tres en retard. Il faut que vous ayez le temps de gagner largement du terrain avant le jour. Faites vite !

Les yeux de Catherine s'habituaient a l'obscurite. Elle put distinguer la silhouette mince d'un jeune archer, devina la tache plus claire d'un visage sous le chapeau de fer. Un cor pendait a un baudrier au flanc du jeune homme. Un court instant, elle vit briller deux yeux vifs.

— Tu es certain de n'avoir point d'ennuis, Justin ?

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