Выбери любимый жанр

Sc?nes De La Vie De Boh?me - Murger Henry - Страница 9


Изменить размер шрифта:

9

– Mais qu'est-ce que je vous dis depuis une heure? s'ecria l'obstine Mouton. Murat, qui travaillait dans une cave, quoi! Eh bien, une supposition. Est-ce que les bourbons n'ont pas bien fait de le guillotiner, puisqu'il avait trahi?

– Qui? guillotine! trahi! quoi? s'ecria Rodolphe en empoignant a son tour M. Mouton par le bouton de sa redingote.

– Eh bien Marat…

– Mais non, mais non, Monsieur Mouton, Murat. Entendons-nous, sacrebleu!

– Certainement. Marat, une canaille. Il a trahi l'empereur en 1815. C 'est pourquoi je dis que tous les journaux sont les memes, continua M. Mouton en rentrant dans la these de ce qu'il appelait une explication. Savez-vous ce que je voudrais, moi, Monsieur Rodolphe? Eh bien, une supposition… je voudrais un bon journal… Ah! pas grand… Bon! Et qui ne ferait pas de phrases… La!

– Vous etes exigeant, interrompit Rodolphe. Un journal sans phrases!

– Eh bien, oui; suivez mon idee.

– Je tache.

– Un journal qui dirait tout simplement la sante du roi et les biens de la terre. Car, enfin, a quoi cela sert-il, toutes vos gazettes, qu'on n'y comprend rien? Une supposition: moi je suis a la mairie, n'est-ce pas? Je tiens mon registre, bon! Eh bien, c'est comme si on venait me dire: Monsieur Mouton, vous inscrivez les deces, eh bien, faites ci, faites ca. Eh bien, quoi, ca? Quoi, ca? Quoi! ca? Eh bien, les journaux, c'est la meme chose, acheva-t-il pour conclure.

– Evidemment, dit un voisin qui avait compris.

Et M. Mouton, ayant recu les felicitations de quelques habitues qui partageaient son avis, alla reprendre sa partie de dominos.

– Je l'ai remis a sa place, dit-il en indiquant Rodolphe, qui etait retourne s'asseoir a la meme table ou se trouvaient Schaunard et Colline.

– Quelle buse! dit celui-ci aux deux jeunes gens en leur designant l'employe.

– Il a une bonne tete, avec ses paupieres en capote de cabriolet et ses yeux en boule de loto, fit Schaunard en tirant un brule-gueule merveilleusement culotte.

– Parbleu! Monsieur, dit Rodolphe, vous avez la une bien jolie pipe.

– Oh! J'en ai une plus belle pour aller dans le monde, reprit negligemment Schaunard. Passez-moi donc du tabac, Colline.

– Tiens! s'ecria le philosophe, je n'en ai plus.

– Permettez-moi de vous en offrir, dit Rodolphe, en tirant de sa poche un paquet de tabac qu'il deposa sur la table.

A cette gracieusete, Colline crut devoir repondre par l'offre d'une tournee de quelque chose.

Rodolphe accepta. La conversation tomba sur la litterature. Rodolphe, interroge sur sa profession deja trahie par son habit, confessa ses rapports avec les muses, et fit venir une seconde tournee. Comme le garcon allait remporter la bouteille, Schaunard le pria de vouloir bien l'oublier. Il avait entendu resonner dans l'une des poches de Colline le duo argentin de deux pieces de cinq francs. Rodolphe eut bientot atteint le niveau d'expansion ou se trouvaient les deux amis et leur fit a son tour ses confidences.

Ils auraient sans doute passe la nuit au cafe, si on n'etait venu les prier de se retirer. Ils n'avaient point fait dix pas dans la rue, et ils avaient mis un quart d'heure pour les faire, qu'ils furent surpris par une pluie torrentielle. Colline et Rodolphe demeuraient aux deux extremites opposees de Paris, l'un dans l'ile-Saint-Louis, et l'autre a Montmartre.

Schaunard, qui avait completement oublie qu'il etait sans domicile, leur offrit l'hospitalite.

– Venez chez moi, dit-il, je loge ici pres; nous passerons la nuit a causer litterature et beaux-arts.

– Tu feras de la musique, et Rodolphe nous dira de ses vers, dit Colline.

– Ma foi, oui, ajouta Schaunard, il faut rire, nous n'avons qu'un temps a vivre.

Arrive devant sa maison que Schaunard eut quelque difficulte a reconnaitre, il s'assit un instant sur une borne en attendant Rodolphe et Colline qui etaient entres chez un marchand de vin encore ouvert, pour y prendre les premiers elements d'un souper. Quand ils furent de retour, Schaunard frappa plusieurs fois a la porte, car il se souvenait vaguement que le portier avait l'habitude de le faire attendre. La porte s'ouvrit enfin, et le pere Durand, plonge dans les douceurs du premier sommeil, et ne se rappelant pas que Schaunard n'etait plus son locataire, ne se derangea aucunement quand celui-ci lui eut crie son nom par le vasistas.

Quand ils furent arrives tous trois en haut de l'escalier, dont l'ascension avait ete aussi longue que difficile, Schaunard, qui marchait en avant, jeta un cri d'etonnement en trouvant la clef sur la porte de sa chambre.

– Qu'est-ce qu'il y a? demanda Rodolphe.

– Je n'y comprends rien, murmura-t-il, je trouve sur ma porte la clef que j'avais emportee ce matin. Ah! Nous allons bien voir. Je l'avais mise dans ma poche. Eh! parbleu! la voila encore! s'ecria-t-il en montrant une clef.

– C'est de la magie!

– De la fantasmagorie, dit Colline.

– De la fantaisie, ajouta Rodolphe.

– Mais, reprit Schaunard, dont la voix accusait un commencement de terreur, entendez-vous?

– Quoi?

– Quoi?

– Mon piano, qui joue tout seul, ut, la mi re do, la si sol re. gredin de re , va! Il sera toujours faux.

– Mais ce n'est pas chez vous, sans doute, lui dit Rodolphe, qui ajouta bas a l'oreille de Colline sur qui il appuya lourdement, il est gris.

– Je le crois. D'abord, ce n'est pas un piano, c'est une flute.

– Mais, vous aussi, vous etes gris, mon cher, repondit le poete au philosophe, qui s'etait assis sur le carre. C'est un violon.

– Un vio… Peuh! Dis donc, Schaunard, bredouilla Colline en tirant son ami par les jambes, elle est bonne, celle-la! Voila monsieur qui pretend que c'est un vio…

– Sacrebleu! s'ecria Schaunard au comble de l'epouvante mon piano joue toujours; c'est de la magie!

– De la fantasma… gorie, hurla Colline en laissant tomber une des bouteilles qu'il tenait a la main.

– De la fantaisie, glapit a son tour Rodolphe.

Au milieu de ce charivari, la porte de la chambre s'ouvrit subitement, et l'on vit paraitre sur le seuil un personnage qui tenait a la main un flambeau a trois branches ou brulait de la bougie rose.

– Que desirez-vous, messieurs? demanda-t-il en saluant courtoisement les trois amis.

– Ah! Ciel, qu'ai-je fait! Je me suis trompe; ce n'est pas ici chez moi, fit Schaunard.

– Monsieur, ajouterent ensemble Colline et Rodolphe, en s'adressant au personnage qui etait venu ouvrir, veuillez excuser notre ami; il est gris jusqu'a la troisieme capucine.

Tout a coup un eclair de lucidite traversa l'ivresse de Schaunard; il venait de lire sur sa porte cette ligne ecrite avec du blanc d'Espagne:

«Je suis venue trois fois pour chercher mes etrennes.

«Phemie.»

– Mais si, mais si, au fait, je suis chez moi! s'ecria-t-il; voila bien la carte de visite que Phemie est venue me mettre au jour de l'an: c'est bien ma porte.

– Mon Dieu! Monsieur, dit Rodolphe, je suis vraiment confus.

– Croyez, monsieur, ajouta Colline, que de mon cote je collabore activement a la confusion de mon ami.

Le jeune homme ne pouvait s'empecher de rire.

– Si vous voulez entrer chez moi un instant, repondit-il, sans doute que votre ami, des qu'il aura vu les lieux, reconnaitra son erreur.

– Volontiers.

Et le poete et le philosophe, prenant Schaunard chacun par un bras, l'introduisirent dans la chambre, ou plutot dans le palais de Marcel, qu'on aura sans doute reconnu.

Schaunard promena vaguement sa vue autour de lui, en murmurant:

– C'est etonnant comme mon sejour est embelli.

– Eh bien! Es-tu convaincu, maintenant? Lui demanda Colline.

Mais Schaunard ayant apercu le piano, s'en etait approche et faisait des gammes.

– Hein!, vous autres, ecoutez-moi ca, dit-il en faisant resonner les accords… a la bonne heure! L'animal a reconnu son maitre: si la sol, fa mi re . Ah! Gredin de re ! tu seras toujours le meme, va! Je disais bien que c'etait mon instrument.

– Il insiste, dit Colline a Rodolphe.

– Il insiste, repeta Rodolphe a Marcel.

– Et ca donc, ajouta Schaunard en montrant le jupon seme d'etoiles, qui etait jete sur une chaise, ce n'est pas mon ornement, peut-etre! Ah! Et il regardait Marcel sous le nez.

– Et ca, continua-t-il, en detachant du mur le conge par huissier dont il a ete parle plus haut. Et il se mit a lire:

– «En consequence, M. Schaunard sera tenu de vider les lieux et de les rendre en bon etat de reparations locatives, le huit avril avant midi. Et je lui ai signifie le present acte, dont le cout est de cinq francs.» Ah! Ah! Ce n'est donc pas moi qui suis M. Schaunard, a qui on donne conge par huissier, les honneurs du timbre, dont le cout est de cinq francs? Et ca encore, continua-t-il en reconnaissant ses pantoufles dans les pieds de Marcel, ce ne sont donc pas mes babouches, present d'une main chere? a votre tour, monsieur, dit-il a Marcel, expliquez votre presence dans mes lares.

– Messieurs, repondit Marcel en s'adressant particulierement a Colline et a Rodolphe, monsieur, et il designait Schaunard, monsieur est chez lui, je le confesse.

– Ah! exclama Schaunard, c'est heureux.

– Mais, continua Marcel, moi aussi, je suis chez moi.

– Cependant, monsieur, interrompit Rodolphe, si notre ami reconnait…

– Oui, continua Colline, si notre ami…

– Et si de votre cote vous vous souvenez que… ajouta Rodolphe, comment se fait-il…

– Oui, reprit Colline, echo, comment il se fait!…

– Veuillez vous asseoir, messieurs, repliqua Marcel, je vais vous expliquer le mystere.

– Si nous arrosions l'explication? Hasarda Colline.

– En cassant une croute, ajouta Rodolphe.

Les quatre jeunes gens se mirent a table et donnerent l'assaut a un morceau de veau froid que leur avait cede le marchand de vin.

Marcel expliqua alors ce qui s'etait passe le matin entre lui et le proprietaire, quand il etait venu pour emmenager.

– Alors, dit Rodolphe, monsieur a parfaitement raison, nous sommes chez lui.

– Vous etes chez vous, dit poliment Marcel.

Mais il fallut un travail enorme pour faire comprendre a Schaunard ce qui s'etait passe. Un incident comique vint encore compliquer la situation. Schaunard, en cherchant quelque chose dans le buffet, y decouvrit la monnaie du billet de cinq cents francs que Marcel avait change le matin a M. Bernard.

9
Перейти на страницу:

Вы читаете книгу


Murger Henry - Sc?nes De La Vie De Boh?me Sc?nes De La Vie De Boh?me
Мир литературы

Жанры

Фантастика и фэнтези

Детективы и триллеры

Проза

Любовные романы

Приключения

Детские

Поэзия и драматургия

Старинная литература

Научно-образовательная

Компьютеры и интернет

Справочная литература

Документальная литература

Религия и духовность

Юмор

Дом и семья

Деловая литература

Жанр не определен

Техника

Прочее

Драматургия

Фольклор

Военное дело