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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 34


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— Reste encore... Je te veux ! Je tuerai quiconque osera entrer !

— C'est impossible !... Oh, mon Dieu, laissez- moi !

Souple comme une anguille, elle avait reussi a glisser du lit. Tout en se rhabillant hativement, avec des mains tremblantes et maladroites, elle le regarda, le vit si pale ! Son visage crispe etait celui d'un loup affame et ses mains, presque inconsciemment, se tendaient vers elle dans un geste d'imploration pathetique. Toute sa force, toute sa violence l'avaient abandonne. Il n'etait plus qu'un homme frustre d'un bonheur que ses mains, trop faibles, n'avaient pas su

retenir. Puis, brusquement, de la plus imprevisible facon, il se mit a rire joyeusement.

— Je ne serai pas toujours invalide, ma belle ! Je saurai bien te rattraper ! Par saint Michel, je crois bien que tu m'as rendu fou...

— Oubliez tout ceci, messire, je vous en conjure, supplia Catherine en achevant de lacer sa robe. C'est vous qui, bien plutot, m'avez fait perdre la tete...

A nouveau, il se mit a rire. Un beau rire jeune et clair qui le fit se recoucher de tout son long et le detendit. Mais qui cessa aussi soudainement qu'il avait commence. Une fois encore il regarda Catherine avec un serieux ou entraient du defi, et de la passion.

— Oublier que j'ai vu palir tes yeux, que je t'ai senti fremir dans mes mains ? Oublier la beaute de ton corps, le gout de tes levres ?

Dusse-je vivre cent ans que ce serait me demander l'impossible.

Catherine... ton nom est doux et toi tu es la femme la plus merveilleuse jamais nee d'une autre femme. La seule que je veuille...

Partagee entre l'envie qu'elle avait de l'entendre encore et la crainte de mecontenter Mathieu, Catherine hesitait a quitter la chambre.

Pourtant, elle fit un pas vers la porte. Alors, lui, suppliant :

— Pars si tu veux... mais, avant, donne-moi encore un baiser, un seul !

Elle faillit revenir mais l'esclave du petit medecin, bien eveille maintenant, s'etait leve et fourrageait dans les cendres pour tenter de rallumer le feu. Il ne leur pretait aucune attention, ne les regardait meme pas. Catherine allait s'elancer vers le blesse quand le claquement de nombreux sabots de chevaux resonna au-dehors. On entendait aussi le cliquetis des armes. Instantanement sur le qui-vive, Arnaud se detourna de Catherine.

— Qu'est-ce que c'est ? Il y a en bas des hommes d'armes...

Elle courut a la fenetre, l'ouvrit. Dans la cour, en effet, un detachement de soldats venait d'entrer. Ils etaient une dizaine et, sur les armures, Catherine put reconnaitre les tabards moitie noirs, moitie gris, brodes d'argent, des hommes de la garde personnelle de Philippe de Bourgogne. Sur leurs poitrines s'etalaient le briquet et la devise du duc...

— Ce sont des soldats de la garde du duc de Bourgogne, dit-elle.

Un officier les mene...

En effet, un grand chevalier empanache de blanc descendait tout juste de cheval et s'avancait vers Mathieu Gautherin qui arpentait nerveusement la cour en compagnie d'Abou-al-Khayr. La jeune fille reconnut l'allure un peu gauche et la voix sonore du nouvel arrivant.

— Je crois que c'est messire de Roussay, continua Catherine.

Arnaud fit la grimace.

— Peste, ma chere ! Vous etes bien renseignee sur ces maudits Bourguignons. Ma parole, vous les connaissez tous.

— Vous oubliez que j'habite Dijon et suis sujette de Monseigneur Philippe.

Pendant ce temps, dans la cour, Jacques de Roussay abordait le drapier et sa voix forte montait aisement jusqu'a l'etage.

— Je suis aise de vous rencontrer, maitre Gautherin. En fait, je vous cherchais.

Mathieu se confondait en reverences, oubliant momentanement sa niece dont il ne s'expliquait pas l'absence.

— Moi ? Mais que d'honneur...

Vous et votre ravissante niece ! Monseigneur Philippe a craint, par la suite, les mauvaises rencontres que vous pouviez faire en chemin, surtout en traversant certaines regions ou court l'Anglais et qui ne sont point domaine de Bourgogne. Il m'envoie afin de vous escorter jusqu'a Dijon, ainsi que la demoiselle Legoix.

Catherine n'en entendit pas davantage. Derriere son dos, une voix tonnante venait d'eclater :

— Legoix... Qui s'appelle Legoix ici ?

Se retournant vivement, elle vit Arnaud dresse sur son lit, plus blanc que ses draps. Ses yeux flambaient de rage et il rejetait deja d'une main nerveuse, ses couvertures, pret a bondir. Ce que voyant, l'esclave noir avait couru a lui et l'avait entoure de ses bras pour l'obliger a rester tranquille. Mais dans l'etau des bras noirs, Arnaud se debattait comme un demon.

— Qui, hurla-t-il, qui porte ce nom maudit ? Qui s'appelle Legoix ?

Stupefaite par cette soudaine poussee de fureur, Catherine etait restee petrifiee, sans plus songer a fermer la fenetre.

— Mais... moi, messire. C'est mon nom ! Je me nomme Catherine Legoix.

— Toi !...

De seconde en seconde l'expression du visage du chevalier se transformait. La stupeur d'abord, puis la colere, maintenant une haine aveugle l'envahissait, durcissant les machoires, retroussant les levres sur les dents blanches, comme un animal pret a mordre. Il la regardait comme s'il la voyait pour la premiere fois et il n'y avait plus trace, dans ses yeux noirs, de la passion de tout a l'heure.

— Tu t'appelles Legoix, fit-il d'une voix sourde, ou vibrait une colere retenue a peine. Et, dis-moi... es-tu parente de ces bouchers parisiens qui firent... tant de bruit voici quelques annees ?

— Ils etaient mes cousins mais...

— Tais-toi !... Plus un mot ! Va-t'en !...

— Comment ?

Va-t'en, te dis-je... va-t'en avant que je ne te jette a la porte de cette chambre. J'ai jure, un jour de desespoir, de tuer tout ce qui porte ce nom. Parce que tu es une femme, je ne te tuerai point... mais je ne veux plus te voir, jamais.

Atterree, Catherine assistait sans comprendre a cette explosion de fureur. L'homme qui, tout a l'heure delirait entre ses bras, celui qui l'avait regardee avec les yeux memes de l'amour, s'etait mue par une absurde metamorphose en ennemi... Il la rejetait. Mais il parlait encore, entre ses dents serrees.

— Ecoute-moi bien ! J'avais un frere... un garcon merveilleux, que j'adorais. Il etait au service du duc Louis de Guyenne. Durant les emeutes de Caboche, les bouchers l'ont pris, l'ont abattu, depece comme une bete d'abattoir. Il etait jeune, il etait brave et beau, il n'avait jamais fait de mal a personne mais on l'a egorge comme un pourceau. Et l'homme qui l'a tue, c'etait un boucher qui s'appelait Guillaume Legoix. Maintenant, tu sais... Alors va-t'en et prie Dieu que jamais plus nous ne nous rencontrions...

Il y avait tant de rage, tant de chagrin aussi dans la voix du jeune homme que des larmes monterent aux yeux de Catherine. La deception etait trop cruelle et trop brutal cet ecroulement de l'univers d'amour bati en quelques heures autour d'une rencontre. Avoir atteint un reve que l'on croyait mort depuis longtemps, mort a tout jamais et le voir s'evanouir de cette maniere absurde !... Comment pouvait-il la charger si cruellement de la mort de Michel alors que, pour cet inconnu, elle avait tout perdu ? Elle voulut tenter de se defendre.

— Par grace, messire, ecoutez-moi, ne me condamnez pas sans m'entendre. Ne savez-vous donc pas ce qui s'est passe, ce triste jour ou mourut votre frere ? Ne savez-vous pas...

La voix brutale d'Arnaud lui coupa la parole tandis que, du doigt, il la chassait encore.

— Je n'en sais que trop ! Va-t'en... Tu me repugnes, ta vue me fait horreur. D'ailleurs, on l'attend en bas. N'ai-je pas entendu ce chevalier qui vient d'arriver dire que le duc de Bourgogne l'envoie le proteger ?

Que d'honneur, que d'attentions ! Il n'est pas difficile de deviner ce que tu es, ma belle ! Le duc Philippe passe pour aimer les femmes comme toi.

— Je ne suis rien pour Monseigneur Philippe, se revolta Catherine rouge jusqu'aux oreilles. Au contraire, il a voulu me faire arreter recemment. Qu'allez-vous imaginer ?

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