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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 3


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Il admirait profondement Caboche mais l'opinion de Gaucher Legoix avait son importance a ses yeux. De plus, les menaces proferees contre les habitants de « l'Arche d'Alliance » lui deplaisaient.

Un craquement sec suivi d'un vacarme retentissant coupa le fil de ses pensees. La porte de l'hotel Saint- Pol venait de s'effondrer et, avec un cri de victoire, la masse populaire se ruait par la breche ainsi ouverte, comme un torrent qui vient de briser son barrage. En un instant, Catherine et Landry se trouverent seuls en face d'un vaste espace vide. A terre demeuraient les cadavres et les blesses, les chiens fameliques qui lechaient les flaques de sang et la banniere blanche que Caboche avait plantee devant la porte. Tout le reste s'etait engouffre en un clin d'?il dans les jardins de l'hotel royal. Landry prit Catherine, figee de terreur, par la main.

— Tu viens ? Ils sont entres...

La petite eut un mouvement de recul. Ses yeux sombres fixaient la porte arrachee avec une sorte d'angoisse.

— Je crois que je n'en ai plus envie, dit-elle d'une tres petite voix.

— Ne fais pas la sotte ! Que crains-tu ? Et jamais tu ne reverras rien de pareil. Allons viens !

Landry etait rouge d'excitation. Il avait hate maintenant de suivre les autres et de prendre sa part du pillage. Son irrepressible curiosite de gamin de Paris jointe au gout de la violence qu'il portait en lui etait prete a l'emporter. Catherine comprit qu'il la laisserait seule, au besoin, au milieu de la rue, si elle refusait de le suivre. Alors elle se decida.

D'ailleurs, la rue Saint-Antoine etait loin d'etre vide. Un peu plus loin que l'hotel Saint-Pol, tassee entre l'hotel des Tournelles, la porte Saint-Antoine, les tours crenelees de la Bastille et l'hotel du Petit-Musc, une autre masse populaire assiegeait la forteresse encore neuve dont les murs blancs s'elevaient si haut au-dessus de sa tete. On savait que l'ancien Prevot de Paris, Pierre des Essarts accuse de trahison par les emeutiers s'y etait enferme avec 500 hommes d'armes pour tenir la ville en echec. Une foule sans cesse grossie grondait aux portes, trainant des armes, decidee a demolir la Bastille, pierre par pierre, pour en arracher des Essarts. De l'autre bout de la rue, vers la place de Greve, d'autres groupes arrivaient en courant. Certains s'engouffraient dans l'hotel Saint-Pol, d'autres couraient sus a la forteresse.

Une fenetre s'ouvrit dans la facade de l'hotel royal. Un bahut en jaillit qui s'ecrasa sur le sol dans un tintamarre de vaisselle metallique.

Cette vue et ce bruit deciderent Catherine tout a fait. Saisissant la main de Landry, elle se precipita sous le porche dont les portes arrachees pendaient a leurs gonds enormes. La curiosite dominait maintenant la peur chez la jeune fille et elle ouvrait de grands yeux, ravis d'avance de ce qu'ils allaient decouvrir.

Mais le vaste jardin dans lequel ils se trouverent, une fois les murailles franchies, etait deja devaste par la ruee de la foule. Les plates-bandes ceinturees de petit buis qui avaient du enfermer des lys, des roses et des violettes, ne montraient plus que la terre foulee, des tiges brisees, depouillees de leurs feuilles, des petales souilles, ecrases. Lys et roses gisaient dans la boue, pietines.

Au-dela, Catherine decouvrit le monde en reduction qu'etait l'hotel Saint-Pol, petite ville dans la ville.

Autour de jardins, de vignes et de bosquets coupes de cloitres, de cours et de galeries ajourees, il deployait un enorme ensemble de residences et de chapelles, de metairies, d'ecuries et de communs ou logeait une armee de serviteurs. Il y avait aussi des menageries pleines de lions, de leopards de chasse, d'ours et d'autres animaux etranges, des volieres remplies d'oiseaux exotiques. Trois demeures distinctes composaient la residence royale : l'hotel du Roi bordant les jardins du cote de la Seine, celui de la Reine sur la petite rue Saint-Pol et celui du Dauphin, que l'on nommait aussi hotel de Guyenne et qui donnait directement sur la rue Saint-Antoine.

C'etait vers ce batiment que se portait, pour le moment, tout l'assaut de la foule. Dans les jardins, entre l'hotel de Guyenne et les autres demeures, des hommes d'armes se massaient en courant pour interdire le passage vers le Roi ou la Reine. Mais la foule n'en avait cure, elle avait, pour le moment, ce qu'il fallait a se mettre sous la dent.

Les cours et les escaliers de l'hotel de Guyenne etaient pleins de monde. Le vacarme y etait effroyable, repercute par les voutes de pierre et l'immensite des salles. Catherine mit ses mains a ses oreilles.

Des cadavres de serviteurs en cottes de soie violette jonchaient deja le sol tandis que les precieux vitraux des fenetres volaient en eclats. Aux murs des escaliers de pierre blanche, les tapisseries a personnages pendaient, arrachees, les fresques se trouaient de coups de hache ou de cette masse ferree qui servait a abattre les b?ufs a l'ecorcherie. Dans une vaste salle, la table, toute servie pour le festin, etait mise au pillage. On glissait dans les flaques de vin et de sang, dans les sauces grasses et les confitures, on s'arrachait les pates et les pieces roties, on butait dans les armes et les plats jetes un peu partout quand ils n'etaient pas d'or ou d'argent. On s'ecrasait. Mais, grace a leur agilite et a leur souplesse, Landry et Catherine parvinrent jusqu'au premier etage sans avoir ete trop molestes. Catherine s'en tirait avec une estafilade a la face et quelques cheveux arraches. Le garcon etait meme parvenu a s'emparer, sur un coin de table, de quelques petits pains a la frangipane qu'il partagea equitablement avec son amie. Ils furent les bienvenus : Catherine mourait litteralement de faim.

Tout en croquant ce ravitaillement inattendu, ils se trouverent pousses, par un remous de la foule, dans une grande piece d'ou partaient des cris et des eclats de voix. Cette salle parut a Catherine le comble de la magnificence. Elle n'avait jamais rien vu de comparable aux immenses tapisseries de soies multicolores, parfilees d'or, qui pendaient aux murailles. Elles representaient de belles dames, en robes rutilantes, se promenant dans des prairies emaillees de fleurs avec de grands chiens blancs ou bien, ecoutant de la musique, assises sous un dais a glands d'or. Une enorme cheminee de pierre blanche, decoupee aussi finement qu'une dentelle occupait tout le fond de la piece avec un grand lit sureleve de trois marches et tout drape, depuis le baldaquin jusqu'aux degres, de velours violet a crepines d'or. Les armes de Guyenne et de Bourgogne etaient frappees sur le chevet.

Tout autour de la piece, ce n'etaient que dressoirs charges de vases, de coupes ciselees et rutilantes de pierreries et aussi de ces vases aux formes fantastiques, venus de Venise et dont les verreries irisees luttaient d'eclat avec les plus beaux joyaux. Les yeux de Catherine brillaient comme des etoiles en contemplant toutes ces choses mais elle n'eut guere le loisir de s'y attarder longtemps. La scene a laquelle ce beau decor servait de cadre etait suffisamment dramatique.

Dans les deux personnages debout devant la cheminee, Catherine reconnut le duc de Bourgogne et son fils, Philippe de Charolais, qu'elle voyait souvent passer sur le pont, devant la maison de ses parents. Mais jamais elle n'avait vu de si pres le redoutable Jean-Sans-Peur. Bien plante sur ses jambes courtes, regardant toutes choses de ses yeux a fleur de tete, il semblait tenir tout le fond du decor. Il y avait, dans cet homme, quelque chose d'implacable comme le destin.

Tres different de son pere etait le comte Philippe de Charolais. Il etait grand pour ses dix-sept ans, mince et blond, avec un regard fier et un maintien imposant, des traits fins et une bouche spirituelle qui devait aimer sourire. Vetu de vert et d'argent, il se tenait un peu en arriere de son pere, dans une attitude deferente. Le regard de Catherine s'attarda un instant sur lui parce qu'elle le trouvait beau et d'agreable tournure. Mais aupres d'eux, s'adressant au duc d'une voix tremblante de colere et de douleur, il y avait un gros jeune homme de seize ou dix-sept ans, vetu d'un costume somptueux, mi-partie ecarlate, mi-partie noir et blanc, barre d'un grand baudrier d'or. Le chagrin et la fureur impuissante etaient peints sur les traits mous de ce garcon qui, Landry le chuchota a son amie, etait le Dauphin Louis de Guyenne.

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