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Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта - Страница 16


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Pourtant la claustration de Catherine commencait a lui peser. A

mesure que ses forces revenaient, elle eprouvait d'intolerables envies de courir, d'aller respirer l'air des quais et de recevoir la caresse du soleil. Mais Barnabe secouait la tete :

— Tu ne pourras sortir que le jour ou tu quitteras Paris, mignonne, jusque-la tu as tout a craindre du jour et plus encore de la nuit.

Mais un matin, Landry qui venait presque quotidiennement rejoindre Catherine, arriva en courant et lanca depuis la porte :

— Je sais ou est Loyse... «

Trainant dans la Cite vers la deuxieme heure de prime, Landry s'etait rendu au marche Notre-Dame pour y marchander des tripes que sa mere lui avait demandees pour le souper. En admirateur fanatique de Caboche, le garcon s'etait rendu tout droit chez la mere Caboche qui tenait justement commerce d'abats. Elle habitait, a l'etranglement d'une ruelle, une maison etroite et sale dont le rez-de-chaussee etait parfume par l'odeur nauseabonde des tripes. Tout le jour, la marchandise, debordant de grandes bassines de fer, etait exposee sur le devant de la maison et dame Caboche, une enorme commere toute en graisse jaune, tronait assise derriere, une pique de fer a la main, pres de ses balances. Elle etait celebre dans le quartier pour son mauvais caractere dont avait herite son illustre fils, et pour son amour immodere de la bouteille.

Mais en arrivant devant l'echoppe de la mere Caboche, Landry avait eu la surprise de trouver visage de bois. Les volets etaient mis et si la porte n'avait ete entrebaillee, on aurait pu croire la maison vide.

Mais, sur cette porte, justement, un moine queteur de l'ordre des Freres Mineurs, en robe de bure grise ceinturee d'une corde a trois n?uds, parlementait avec la mere Caboche dont on apercevait, par l'entrebaillement, le visage renfrogne.

— Donnez au moins un peu de pain pour les Freres Mineurs, ma bonne femme, faisait le religieux en agitant sa corbeille. Aujourd'hui, vigile de Saint-Jean, vous ne refuserez pas !

— La boutique est fermee, mon reverend, retorquait la mere Caboche. Je suis malade et j'ai tout juste pour moi. Passez votre chemin et priez pour mon salut !

— Mais cependant...

Le frere voulut insister. D'ailleurs, quelques menageres qui se rendaient au marche s'arretaient pour deposer leur obole dans son panier. L'une d'elles declara :

— Ca fait deux mois qu'elle est fermee, mon pere, meme que personne dans le quartier n'y comprend rien. Quant a etre malade, il faut entendre quel genre de vepres elle chante dans la soiree. Sans doute qu'elle est fatiguee de travailler... ou de boire !

— Je fais ce que je veux, grogna la mere Caboche en faisant de vains efforts pour refermer sa porte.

Mais la sandale du frere etait disposee de maniere a la coincer.

— Donnez un peu de vin, alors, suggera le frere eclaire par la declaration de la commere.

Mais son adversaire, devenue soudain rouge comme une brique sous sa coiffe de toile jaune, poussa un rugissement :

— Je n'ai pas de vin ! Et puis allez au Di...

— Oh ! ma fille... coupa le frere choque en se signant precipitamment.

Il ne retira pas son pied pour autant. Les gens s'attroupaient autour de la maison de la tripiere. On connaissait le moine queteur qui etait le frere Eusebe, le plus obstine de tout le couvent. Il avait ete legerement souffrant ces derniers temps et de la venait qu'on ne l'avait pas vu dans la Cite. Il entendait bien regagner le temps perdu.

Landry, amuse, s'etait approche comme les autres pour voir qui des deux aurait raison, de l'avarice bien connue de la mere Caboche ou de l'entetement du frere Eusebe. Les uns riaient seulement, les autres prenaient parti pour ou contre le frere suivant qu'ils etaient pour l'Eglise ou pour Simon le coutelier. Cela fit bientot un beau vacarme que dominaient les deux adversaires sur leur pas de porte et auquel vint bientot s'ajouter un haquet traine par un portefaix et qui, vu l'etroitesse de la rue, se coinca entre deux maisons debordantes...

C'est alors que, levant la tete involontairement vers les etages superieurs, Landry, grimpe sur une borne pour mieux voir, avait apercu un visage pale derriere l'unique fenetre de l'etage de la mere Caboche. Cette fenetre avait l'un de ses carreaux en papier huile dechire, et c'etait suffisant pour que le jeune garcon reconnut celle qui essayait de voir la raison du tumulte. Instinctivement, il fit un geste du bras auquel repondit un signe rapide, puis plus rien. Loyse l'avait reconnu, il en etait aussi sur que de l'avoir reconnue lui-meme, mais elle avait aussitot disparu. Degringolant de sa borne et oubliant les tripes maternelles, il avait joue vigoureusement des coudes pour se faire place. Sorti de la cohue, il s'etait mis a courir vers la Cour Saint Sauveur.

Catherine avait ecoute le recit de Landry avec admiration, mais Barnabe etait soucieux.

— J'aurais du m'en douter, fit-il, Caboche voulait la petite. Il a profite de l'attaque de la maison pour l'emmener chez lui ou la vieille la garde. Ce ne sera pas facile de lui faire lacher prise...

Effondree sur la pierre de l'atre, Jacquette Legoix sanglotait eperdument, la tete dans ses jupes. Penchee sur elle, Sara caressait les epaisses tresses d'un blond fonce, a peine grisonnantes, de la pauvre femme, essayant de la calmer. Mais c'etait en vain.

— Ma petite !... ma douce agnelle qui se voulait garder bien pure pour le Seigneur !... Il me l'a prise, ce pourceau !... ce monstre !...

Helas ! Helas !...

Jacquette etouffait litteralement de chagrin sans que Catherine, muette de saisissement, ou les autres tout aussi desoles, trouvassent quelque consolation vraiment efficace. Ce fut Barnabe qui, le premier, parvint a lui faire relever la tete et decouvrit un pauvre visage tumefie et rouge, tout ruisselant de larmes. Bouleversee du chagrin de sa mere et bouillonnant d'indignation interieure contre l'abominable Caboche, Catherine courut se jeter a son cou.

— Facile ou pas, fit Barnabe, il faut reprendre Loyse a Caboche.

Dieu seul sait le genre d'experiences que la malheureuse a du faire avec lui !

— Mais, demanda Sara, comment penses-tu pouvoir la tirer de la ?

— Pas tout seul, bien sur ! Il suffirait que la mere Caboche crie a l'aide pour qu'il lui vienne une foule de gens avides de se faire bien voir de son fils ou meme de ne pas s'attirer sa colere. Il n'y a qu'une seule solution : Machefer. Lui seul peut nous aider.

Sara avait quitte l'epaule de Jacquette et avait rejoint Barnabe qui se tenait appuye d'un pied sur l'escalier et mordillait ses ongles nerveusement. Elle murmura assez bas pour que les autres n'entendent pas. Pas assez bas tout de meme pour eviter l'oreille fine de Catherine

: — Tu ne crains pas que Machefer veuille se faire payer... en nature. Surtout si la fille est jolie.

C'est un risque a courir et j'espere a ce moment pouvoir l'en empecher. Mais chaque chose en son temps. Ce qui est a craindre, pour le moment, c'est Caboche, pas Machefer. Le roi de Thune a presque autant de monde a son service que l'ecorcheur. Il doit etre en ce moment a errer du cote de l'hotel du roi de Sicile ou il se tient habituellement pour mendier. Tu le connais, Landry ?

Le jeune garcon fronca les sourcils et allongea les levres d'un air degoute :

— Celui qui se fait appeler Colin-Beau-soyant ? L'homme aux ecrouelles ?

— Lui-meme ! Va le trouver. Dis-lui que Barnabe le Coquillart le demande et, s'il fait des difficultes, dis-lui que j'ai besoin de lui d'urgence pour maquiller les acques1. Tu te souviendras ?

— Sur !

Landry enfonca son bonnet jusqu'aux oreilles, embrassa Catherine qui se pendit a sa main.

— J'irais bien avec toi ! Je m'ennuie tellement ici...

— Vaut mieux pas, petite ! intervint Barnabe. Tu es trop facile a reconnaitre. Suffirait que tu perdes ton bonnet. Personne a Paris n'a une tignasse comme la tienne. Tu ferais tout manquer. Et puis j'aime autant que Machefer ne te voie pas en plein soleil.

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