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Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 33


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— Quel idiot je suis ! s'ecria Landry. As-tu mange quelque chose aujourd'hui ?

— Non... rien, juste un peu d'eau.

Landry tira de sa poche un flacon plat dont il mit le goulot a la bouche de la jeune femme.

— Bois un peu de ca ! C'est du vin de Beaune, ca te donnera un coup de fouet. Et, tiens, mange cette galette. Je l'avais apportee pour toi mais dans l'affolement de te trouver aux prises avec ces vilains oiseaux, j'ai completement oublie de te la donner

Le vin emplit l'estomac de Catherine d'une chaleur instantanee mais lui donna egalement mal au c?ur. Elle grignota quelques bribes de galette, se sentit tout de meme un peu plus forte et voulut faire quelques pas. C'etait impossible. Elle retomba a terre en vomissant ce qu'elle venait d'avaler, secouee par une terrible nausee.

— Tu n'en peux plus ! constata Landry sans s'emouvoir. Alors aux grands maux, les grands remedes !

Il se baissa et, enlevant la jeune femme dans ses bras aussi aisement que si elle n'avait rien pese, il s'elanca dans l'escalier. La vis de pierre, prise dans l'epaisseur de la muraille, etait eclairee de loin en loin par des brulots de poix dans des cages de fer. En quelques instants, Landry et son fardeau furent dans la cour du chateau.

— Le plus difficile est fait, chuchota Landry avec un petit rire. L'enceinte de ce palais est en ruine. Il y a une breche la, tout pres.

A peine consciente, Catherine vit des pans de murs noircis qui se detachaient vigoureusement sur la neige. Des plaques blanches ouataient les pierres croulantes sur lesquelles Landry grimpait avec la surete d'un chamois. Bientot, l'enceinte fut franchie et la campagne libre s'etendit, a perte de vue, blafarde sous le ciel noir, devant les yeux de la fugitive. On etait maintenant sur la pente de la colline au bas de laquelle quelques masures se tassaient frileusement. Sans lacher Catherine qu'il tenait etroitement serree contre sa poitrine, Landry siffla trois fois. Une ombre sortit de derriere un enchevetrement de ronces et de cailloux.

— Dieu soit loue ! fit une voix tremblante d'emotion. Tu as reussi !

Comment est-elle ?

— Pas brillante ! Il faut la coucher tout de suite.

— Tout est pret. Viens...

Si faible qu'elle fut, Catherine avait tout de meme souleve ses paupieres au son de la voix. Elle etait trop epuisee pour eprouver encore de la surprise et les derniers jours vecus en enfer avaient emousse quelque peu ses sensations mentales, mais elle voulait s'assurer qu'elle n'etait pas le jouet d'une illusion.

Non, elle ne se trompait pas. C'etait bien Sara qui venait de reapparaitre aussi inopinement, sortant de la nuit comme si c'eut ete la chose du monde la plus naturelle. Mais n'osant encore y croire, Catherine etendit la main pour toucher le visage penche sur elle.

— C'est bien toi ? Tu es revenue ?...

Sara saisit cette main et la couvrit de baisers et de larmes.

— Si tu savais comme j'ai honte de moi, Catherine... _

Mais Landry coupa court aux retrouvailles et aux explications.

— Plus tard, je t'expliquerai comment nous nous sommes retrouves, fit-il en assurant mieux son fardeau dans ses bras. Pour le moment, il faut filer. Il a beau faire nuit, on peut nous voir, sur cette pente blanche. Je vais te deposer, Catherine, puis je reviendrai effacer les traces de mes pas dans la neige.

— Ou allons-nous ? demanda Catherine.

— Pas loin, rassure-toi... a Malain meme. Garin n'aura pas l'idee de te chercher si pres de ta prison...

— Il sera inutile de revenir, fit Sara, je vais effacer les traces et d'ailleurs... (Elle s'interrompit, tendant un doigt vers le ciel...) la neige recommence a tomber. Elle aura tot fait de combler nos pas...

En effet, de grosses mouches blanches voletaient doucement autour des trois personnages, lentes et rares d'abord, puis de plus en plus serrees...

— Le ciel est pour nous, fit Landry joyeusement. Depechons !

Il se hata de degringoler la butte que couronnait la silhouette sinistre du vieux chateau. Le silence enveloppait tout. Il n'y avait, en effet, plus d'autres gardiens, au donjon, que les deux cadavres deja froids dont le sang figeait sur les dalles de la prison.

Courant presque, Landry traversa le maigre village, Sara sur les talons, dirigeant ses pas vers une chaumiere ou brillait une faible lumiere et qui s'elevait en lisiere d'un bois a flanc de colline. Sous la neige qui l'ensevelissait a moitie, la maisonnette formait une grosse boursouflure blanche, mais il y avait quelque chose d'amical et de rassurant dans la petite fenetre barbouillee d'or par la lumiere interieure. Confiante, rassuree, Catherine se laissait emporter. Les bras de Landry avaient une vigueur, une chaleur auxquelles il faisait bon se confier... Un chien aboya pres de la maison. La porte s'ouvrit aussitot, decoupant la silhouette noire d'une femme sur le fond eclaire.

— C'est nous ! fit Landry. Tout a bien marche...

— Vous l'avez delivree ?

La voix etait agreable, bien timbree avec des inflexions graves. Elle roulait legerement les « r », mais l'accent bourguignon en etait leger.

— Entrez vite, fit la femme en s'effacant pour les laisser passer.

La femme qui avait ouvert, devant Catherine, la porte de sa maison se nommait Paquerette et passait pour sorciere. Mais c'etait une bien etrange sorciere qui n'avait aucun point commun avec l'affreuse vieille, sordide et edentee, des legendes. Sa modeste maison au sol de terre battue etait d'une proprete flamande, le chaudron de fer, pendu a la cremaillere au-dessus des flammes de l'atre, brillait comme de l'argent. Quant a Paquerette, elle ne devait pas avoir beaucoup plus d'une vingtaine d'annees. C'etait une de ces belles Bourguignonnes blondes, saines et drues comme de jeunes arbres avec un teint de fleur sauvage et un chaume epais et dore en guise de chevelure, si vigoureux que le bonnet de toile blanche n'y tenait qu'en instable equilibre.

Le corps etait a l'avenant : des formes pleines sans lourdeur sous une peau au grain serre. En s'ecartant pour le sourire, les levres rondes de Paquerette montraient l'ivoire solide et blanc d'une dentition sans defaut.

Mais, tous ces details, Catherine ne les avait pas notes en entrant dans la maisonnette. Elle n'avait vu que deux choses : le beau feu qui dansait sur la pierre jaune de l'atre et le lit, si blanc sous ses rideaux de serge rouge, que l'on ouvrait devant elle. Apres avoir absorbe la tasse de bouillon de poule offerte par son hotesse, Catherine y avait dormi d'un sommeil de plomb, oubliant d'un seul coup ses souffrances et l'abjecte terreur qui, pendant des jours, l'avait mordue aux entrailles. Elle fut tout etonnee, le matin revenu, de s'eveiller dans ce decor simple et rassurant au lieu de la grisaille sinistre du donjon. Il lui fallut faire un effort pour se souvenir de ce qui s'etait passe durant cette nuit terrible, si fertile en evenements prodigieux : la mort des deux gardiens, sa fuite, la miraculeuse reapparition de Sara... Mais, penche sur le lit, Landry guettait son reveil et lui sourit tendrement en remarquant l'instinctif mouvement de recul qu'elle avait eu en ouvrant les yeux :

— Allons, fit-il doucement, n'aie donc pas peur ! Tu n'as plus rien a craindre ! Tu es en surete ici !...

Catherine n'avait pas l'air d'y croire. Ses yeux erraient autour d'elle, se posant sur chaque objet familier mais revenant toujours au feu... ce feu dont le manque l'avait tant fait souffrir ! Au-dehors, la neige avait cesse de tomber et meme un timide rayon de soleil se montrait. Sa reverberation sur l'epaisse couche immaculee illuminait l'interieur de la petite maison.

— Du soleil... du feu ! soupira Catherine avec un leger sourire.

Sara et Paquerette, revenant de l'etable ou elles etaient allees traire les chevres, rentrerent a cet instant, l'une avec un seau a demi plein de lait, l'autre avec des fromages. Voyant que Catherine etait eveillee, Sara courut l'embrasser en pleurant, se lamentant sur sa maigreur et son aspect miserable.

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