Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта - Страница 27
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Jamais, encore, elle ne les avait vus. Avec leurs houppelandes en peau de mouton, leurs chapeaux de feutre enfonces sur les yeux, leurs mains rouges aux doigts carres appuyees sur leurs gros genoux, ils avaient l'air de paysans... et semblaient totalement insensibles. Ils se laissaient aller au roulement de la charrette et, quand Catherine gemit pour attirer leur attention, ne tournerent meme pas les yeux vers elle. Si leur respiration n'avait fait fumer leur haleine, on aurait pu les prendre pour des statues de bois. Mais bientot, Catherine se desinteressa d'eux car elle se sentait de plus en plus mal. Les cahots de la carriole se repercutaient douloureusement dans tout son corps. Ses mains et ses pieds etaient glaces et son estomac vide se tordait, aux prises avec d'atroces nausees. Le baillon l'etouffait. Les cordes qui la liaient etaient serrees si fort qu'elles meurtrissaient sa chair malgre l'epaisseur de la couverture...
Tout pres de la, une voix cria :
— Au galop !... Plus vite, Rustaud ! Fouette tes chevaux !
La voix n'etait pas reconnaissable et, d'ailleurs, Catherine ne chercha pas a l'identifier. Elle plongea brutalement dans un univers de souffrances qui laissa bientot en arriere ses precedents malaises. La mauvaise charrette se mit a bondir dans les ornieres profondes de la route, secouant sans misericorde le corps douloureux de la malheureuse Catherine a peine protegee des planches par un peu de paille. Des fleches de feu parcouraient son ventre, son dos, ses reins. Elle rebondissait comme un sac de sable a chaque cahot. De grosses larmes qu'elle ne pouvait plus retenir roulaient sur ses joues. Ses deux gardiens contemplaient maintenant son supplice avec une joie bestiale et repondaient par de gros rires a chacune de ses plaintes...
Torturee, ecartelee, elle souhaita etre morte... Que signifiait tout cela, cette epouvantable aventure ? A qui devait-elle ce traitement barbare ?
Mais l'exces meme de sa souffrance finit par venir a son secours. Comme le chariot passait a toute allure sur une pierre et retombait avec une violence qui envoya la tete de Catherine sonner contre un montant de bois, la malheureuse poussa un cri et s'evanouit a nouveau...
En revenant a elle, Catherine se crut au fond d'une cave. Elle etait encore couchee sur de la paille, mais dans un lieu obscur dont elle distinguait mal les details. Une haute voute de pierre se perdait dans l'ombre, loin au-dessus d'elle. En tournant la tete pour voir ce qui l'entourait, quelque chose de froid et de dur la gena et fit un bruit metallique. Portant les mains a son cou, elle sentit un collier de fer et aussi que ce collier etait attache a une chaine assez longue pour permettre une certaine liberte de mouvements, mais rivee dans le mur. Avec un cri d'horreur, Catherine se redressa, assise sur la paille, et se mit a tirer instinctivement des deux mains sur la chaine, dans un effort derisoire pour l'arracher de la muraille. Un eclat de rire salua cette miserable tentative.
— Elle est solide et bien attachee. Vous ne risquez ni de l'oter, ni de lui echapper, fit une voix froide. Comment trouvez-vous votre nouveau palais ?
Catherine se leva d'un bond malgre les douleurs de son corps meurtri. La chaine retomba le long de ses jambes. Avec stupeur, elle reconnut Garin debout devant elle.
— Vous ? C'est vous qui m'avez enlevee, amenee ici ? Mais ou sommes-nous ?
— Vous n'avez nul besoin de le savoir. Qu'il vous suffise d'apprendre que, dans ce lieu, personne ne viendra vous delivrer, ni n'entendra vos cris s'il vous prend fantaisie de crier. Ce donjon est haut, solide et convenablement isole...
Tandis qu'il parlait, le regard de Catherine faisait le tour de la vaste piece ronde qui devait tenir toute la superficie du donjon. Une etroite fenetre en ogive, encore reduite par deux barreaux en croix, l'eclairait seule. Il n'y avait aucun mobilier, excepte un escabeau pose aupres d'une grande cheminee dans laquelle l'un des hommes en veste de mouton etait occupe a allumer un maigre feu. Rien que la litiere de paille sur laquelle Catherine s'etait retrouvee ! De sa prison, car c'en etait bien une, Catherine passa a l'examen de sa propre personne. Elle etait vetue d'une chemise de toile, d'une robe de bure brune grossiere, d'une paire de bas de laine et de sabots de bois !
— Qu'est-ce que tout cela veut dire ? demanda-t-elle avec une intense surprise. Pourquoi m'avez- vous conduite ici ?
— Pour vous punir !
Garin se mit a parler et, a mesure que les paroles sortaient de sa bouche, son visage se crispait, se tordait sous l'empire d'une haine folle.
— Vous m'avez ridiculise, couvert de honte... vous et votre amant ! Je me doutais, a voir votre visage, vos yeux cernes, que vous etiez pleine comme une chienne, mais votre malaise d'hier m'a eclaire tout a fait. Vous etes enceinte de votre amant, n'est-ce pas ?
— De qui voulez-vous que ce soit ? lanca Catherine avec surprise. Pas de vous, en tout cas ! Et je trouve etrange que vous preniez ombrage de l'etat actuel des choses. C'est bien ce que vous vouliez pourtant : me jeter dans les bras du duc ? M'y voici. Je porte son enfant...
Son ton etait glacial et sentait le defi. Frissonnante dans sa grossiere robe, Catherine s'approcha de la cheminee. La chaine la suivit avec un bruit sinistre. L'homme qui soufflait sur le feu s'ecarta pour la regarder avec un mauvais sourire.
— Qui est celui-la ? demanda-t-elle.
Ce fut Garin qui repondit.
— Il s'appelle Fagot... et il m'est tout devoue. C'est lui qui va s'occuper de vous. Evidemment, ce n'est pas un seigneur. Votre delicatesse trouvera qu'il est moins parfume que le duc mais, pour ce que je veux faire, il sera parfait...
Catherine ne reconnaissait pas Garin. Son ?il unique etait fixe et ses mains tremblaient. Sa voix avait un debit hache, montant parfois a un aigu insolite. La peur se glissa dans les veines de la jeune femme, balayant sa colere. Elle voulut pourtant donner encore le change.
— Que voulez-vous donc au juste ? demanda-t-elle en tournant le dos a Fagot.
Garin se pencha vers elle, grincant des dents...
— Vous faire perdre cet enfant que vous portez parce que je ne veux pas, moi, donner mon nom a un batard. Je pensais que la petite promenade jusqu'ici aurait suffi pour une fausse couche. Mais j'oubliais que vous etes solide comme une truande. Il se peut que nous n'arrivions pas a vous debarrasser avant le temps. Alors il ne me restera plus qu'a attendre la naissance... et a supprimer le geneur quand il paraitra. En attendant, vous resterez ici avec Fagot. Et, croyez-moi, il saura bien rabattre votre caquet.
En fait... je lui ai donne tout pouvoir sur vous...
Des tics nerveux tiraillaient les traits de l'Argentier, leur conferant une apparence demoniaque. Le rictus de ses levres minces, le pincement de ses narines, sa voix qui atteignait le fausset firent comprendre a la jeune femme terrifiee qu'elle se trouvait en presence d'un autre homme. Garin etait fou...
ou peu s'en fallait ! Il n'y avait qu'un fou pour concevoir ce plan diabolique : la remettre aux mains d'une brute pour tenter de lui faire perdre son fruit.
Tuer l'enfant si besoin etait ?... Elle voulut, cependant, essayer de le raisonner.
— Revenez a vous, Garin ! Vous delirez ! Avez- vous songe aux consequences de votre acte ? Croyez- vous que personne ne s'inquietera de moi, ne me cherchera. Le duc...
— Le duc part demain pour Paris et vous le savez aussi bien que moi. Je saurai parler de votre sante chancelante... et ensuite de votre accident...
— Croyez-vous donc a mon silence, une fois delivree ?
Je crois surtout que, lorsque vous aurez passe quelques mois entre les mains de Fagot, le duc n'aura plus envie de vous... car vous n'aurez plus rien de commun avec ce que vous etiez. Et il n'aime que la beaute. Il vous oubliera vite, croyez moi...
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