Belle Catherine - Бенцони Жюльетта - Страница 2
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Mais, quand elle arriva en vue de l'entree du batiment, Catherine vit avec surprise que la porte pendait, attachee seulement a l'un de ses gonds. On n'entendait, la non plus, aucun bruit. Prise d'un brusque pressentiment, Catherine ralentit le pas. Ce fut presque precautionneusement qu'elle s'approcha de l'ouverture beante, entra dans la maison. Ce qu'elle vit, du seuil, lui arracha un cri d'horreur et la plaqua contre le mur, le c?ur fou. Dans la maison, il y avait deux cadavres : un homme et une femme.
Les jambes de l'homme, lie a un banc de bois, plongeaient encore dans le feu de la cheminee et achevaient de se consumer. C'etait cela, le joli panache de fumee. Le visage etait abominablement convulse. Une large tache de sang, a la hauteur de la poitrine, indiquait qu'il avait ete poignarde a la fin de son supplice. Quant a la femme, c'etait pire. Elle gisait sur la table de bois grossier, entierement nue et ecartelee, bras et jambes attaches aux quatre pieds qui baignaient dans une enorme mare de sang ou se coagulaient de longs cheveux noirs. Elle avait du etre violee, sans doute plusieurs fois, puis eventree. Les entrailles pendaient de l'ouverture beante...
Revulsee, Catherine se rejeta au-dehors, s'appuya au mur de la maisonnette et la vomit tout ce qu'elle venait d'avaler...
puis la panique l'emporta. Butant sur les mottes inegales du champ, elle se mit a courir vers le fleuve appelant Arnaud de toute la force de sa voix decuplee par la peur... Elle se jeta dans la barque comme dans un refuge, s'y pelotonna tout au fond en un reflexe enfantin, tremblant de voir surgir les brutes, qui avaient martyrise les malheureux paysans. Au bout d'un moment, elle se calma. Le silence environnant permit aux battements desordonnes de son c?ur de s'apaiser. Bientot, elle put reflechir a l'enigme qui se posait a elle : ou etait passe Arnaud ?
L'idee qu'il ait pu l'abandonner ne lui vint pas. Meme s'il avait voulu se debarrasser de Catherine, il ne l'eut pas fait ainsi, en rase campagne et exposee a tous les dangers. Il eut attendu pour cela qu'elle fut en surete. D'ailleurs, la nuit qui venait de s'ecouler rendait impossible une telle eventualite. Arnaud l'aimait. De cela, Catherine ne doutait pas... Elle pensa que, peut-etre, il etait tombe sur les brigands de la ferme, qu'il avait ete attaque comme le malheureux couple. Elle se rassura en se souvenant qu'il n'y avait que deux cadavres dans la maisonnette... Peut-etre avait-il du fuir devant l'ennemi et, dans ce cas, il avait evite de revenir vers le fleuve pour que Catherine ne fut pas decouverte... Mais toutes ces questions demeuraient sans reponse...
Desemparee, Catherine resta un long moment prostree au fond de sa barque, esperant toujours qu'il allait revenir, ne sachant plus a quel parti se resoudre. Mais des heures passerent sans ramener Arnaud, sans que le silence fut trouble par autre chose que par le cri d'un oiseau ou le clapotis d'un poisson qui mouchait. La peur de la jeune femme etait telle qu'elle osait a peine bouger...
Pourtant, quand le jour commenca a decliner, que la lumiere se fit plus rouge et le soleil moins ardent, elle secoua sa torpeur. Il n'etait pas possible d'attendre plus longtemps. Deja, toutes ces heures perdues etaient de la folie, mais Catherine ne pouvait se resigner a s'eloigner de ce lieu, le seul ou Arnaud put la retrouver immediatement. Pourtant, elle reflechit : sa seule chance, maintenant, de le rejoindre etait de gagner Louviers. La Hire, s'il y etait encore, et rien, ces temps derniers, n'avait indique qu'il n'y fut plus, pourrait sans doute lui dire ou etait Arnaud. La Hire n'etait-il pas, avec Xaintrailles, le plus sur, le meilleur ami d'Arnaud, son frere d'armes ? Depuis si longtemps, les trois capitaines avaient combattu cote a cote, contre l'Anglais et son allie le Bourguignon, qu'il s'etait tisse entre eux un de ces liens puissants, indestructibles, nes des heures difficiles, des equipees glorieuses, du danger allegrement partage. Des trois, c'etait La Hire le plus age, de beaucoup, mais ils eussent ete de meme age que leur intimite n'eut pas ete plus complete. Et, puisque La Hire tenait Louviers, Louviers etait le lieu ou, en cas de danger, Arnaud devait chercher secours.
Galvanisee par cette pensee, Catherine se redressa, devora un gros morceau de pain et le reste du fromage. Elle se sentit mieux tout de suite, but un peu d'eau prise a la riviere. Toute sa combativite revenue, elle decida de se mettre en marche.
La nuit la protegerait mieux que la lumiere du jour contre les mauvaises rencontres et elle etait assez claire pour permettre de se diriger aisement. Arnaud lui avait montre, au petit matin, la direction de Louviers et lui avait dit qu'il n'y avait guere que deux lieues et demie. Emportant le sac d'or et ce qu'elle put prendre des provisions pour n'etre pas trop lourdement chargee, elle s'enveloppa dans le manteau que Jean Son lui avait apporte et quitta le bateau. Elle suivit un moment la courbe du fleuve, a l'ombre de la ligne des aulnes, puis, comme il semblait s'enfoncer vers le levant, prit resolument au sud. Elle se mit a marcher d'un bon pas a travers champs, faisant un crochet pour eviter la sinistre maisonnette ou la cheminee avait cesse de fumer, et s'efforcant de ne plus penser a Arnaud. Elle avait trop besoin de son courage pour se laisser aller a l'angoisse que lui infligeait sa disparition.
Quelques heures plus tard, recrue de fatigue mais pleine d'espoir, elle arrivait en vue de Louviers. Il etait trop tot pour qu'elle put esperer entrer et, en attendant l'ouverture des portes, elle se coucha sur un talus et s'endormit, enroulee dans son manteau, jusqu'a ce que le chant d'une alouette vint l'eveiller.
Au moment d'aborder la porte fortifiee de la ville, le regard de Catherine chercha instinctivement la banniere, sur la plus haute tour, et elle poussa un soupir de soulagement. Voltigeant mollement sur le chapeau pointu d'une grosse tour a bec, il y avait une oriflamme noire marquee d'une vigne d'argent et les soldats de garde ne portaient point le hoqueton vert anglais. La Hire n'avait pas encore ete deloge !... Joyeuse, Catherine retroussa sa jupe a deux mains, s'engouffra sous la voute noire, bouscula un archer qui grogna, mais renonca a la poursuivre avec un sourire et un haussement d'epaules.
Elle se mit a courir comme une folle le long de la rue etroite qui se tordait comme une couleuvre entre les maisons biscornues. En haut, a gauche, il y avait la vieille et severe maison des Templiers ou logeait l'actuel maitre de la ville.
L'elan de Catherine etait tel qu'elle passa comme une bombe devant les soldats de garde, si surpris qu'ils n'eurent meme pas le reflexe de croiser leurs guisarmes.
— He !... la femme !... Arrete !... Tu entends ? Viens ici !...
Mais Catherine n'ecoutait pas. Elle deboucha dans la cour juste comme La Hire, d'un pas pesant, se dirigeait vers son cheval auquel un palefrenier donnait a boire. Le capitaine semblait de mauvaise humeur. Tout en marchant il faisait des plies pour s'assurer que les jointures de ses cuissards et de ses genouilleres jouaient bien.
Catherine se rua sur lui avec un cri de joie et tant de violence qu'elle faillit le jeter a terre. Il s'emporta aussitot et, ne la reconnaissant pas, l'envoya rouler dans la poussiere d'un revers de main.
— La peste soit de la ribaude !... Tu es folle, la fille ? Hola, vous autres, chassez-moi cette drolesse !...
Assise par terre, Catherine riait sans retenue, soulagee de retrouver l'irascible capitaine.
Vous recevez bien mal vos amis, messire de Vignolles. Ou bien ne me reconnaissez-vous pas ?
Au son de sa voix, il se retourna, un pied en l'air parce qu'il s'appretait a enfourcher son cheval, la regarda. Une expression de stupeur incredule se peignit sur son visage couture.
— Vous ?... Vous ici ? Vous etes vivante ? Et Jehanne... et Montsalvy ?
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