Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 7
- Предыдущая
- 7/107
- Следующая
De pale, le visage de Catherine devint rose, puis rouge, puis ecarlate sous la poussee d'une telle colere que Sara, effrayee, posa une main qui se voulait apaisante sur son bras. Mais Catherine, folle de rage, etait au-dela de tout apaisement. Etait-il donc ecrit au grand livre de son destin que, toujours, un prince disposerait d'elle ? Apres le duc de Bourgogne, le Roi de France !
Les poings crispes, faisant des efforts inouis pour empecher sa voix de trembler, elle s'ecria :
— J'ai rarement entendu plus impudent coquin que vous, messire !
Quand je pense que, par reconnaissance pour quelques victuailles, je vous accordais un souvenir indulgent malgre vos mefaits, vous m'en faites aujourd'hui amerement repentir. Ainsi, non content d'avoir reduit mon epoux la ou il en a ete reduit, La Tremoille pretend disposer de moi ? J'aimerais savoir comment vous entendez me contraindre, seigneur ? Car, bien entendu, vous avez songe a cette eventualite ?
— L'armee que je mene, fit l'Espagnol avec une grace insultante, vous montre clairement le prix que j'attache a votre main. J'ai deux mille hommes sous Carlat, Madame... et si vous refusez je mettrai le siege devant cette taupiniere jusqu'a ce que vous en veniez a merci.
— Cela peut durer longtemps...
— J'ai tout mon temps... et je serais fort etonne que vous ayez du ravitaillement pour de longs mois. Vous vous rendrez, Madame, avant qu'il ne soit longtemps, ne fusse que pour ne pas voir votre fils mourir de faim.
Catherine retint un soupir de soulagement. Il ignorait le depart de Michel et mieux valait qu'il l'ignorat encore longtemps. Mais elle cacha ses sentiments sous un haussement d'epaules.
— Le chateau est fort, ses defenseurs sont valeureux. Vous perdrez votre temps, messire !
— Et vous, vous ferez tuer stupidement bien du monde. Vous feriez mieux d'accepter, Madame, puisque aussi bien il vous faudra en venir la. Songez que, pour vos beaux yeux, j'ai elude une fort flatteuse proposition. La main meme de Madame Marguerite, fille de Monseigneur le duc de Bourbon...
— Fille... de la main gauche ! insinua doucement Frere Etienne.
Le sang demeure princier ! D'autre part, votre gouverneur est Ecossais, Dame Catherine. Les Ecossais sont pauvres, besogneux, avares... et aiment l'or pardessus tout...
Il n'eut pas le temps d'achever. Pris par leur dispute, ni lui ni Catherine n'avaient vu Kennedy, suivi de Gauthier, penetrer dans la salle. Ce fut quand l'Ecossais fondit sur lui que l'Espagnol s'apercut de sa presence. Avec un rugissement, Kennedy empoigna Villa-Andrado par le col de son armure et par le bas du dos puis, le soulevant a demi de terre, l'emporta ainsi, hurlant et vociferant, jusqu'a la porte.
— Il y a une chose que les Ecossais aiment encore plus que l'or, maitre larron, c'est leur honneur ! Va dire cela a ton maitre ! hurla-t-il furieusement.
Ce que voyant, Gauthier, d'un air mecontent qu'on lui eut laisse si pauvre gibier, mit le page sous son bras et emboita le pas a l'irascible gouverneur. Quand ils eurent disparu tous deux, Frere Etienne se tourna vers Catherine, encore tremblante, avec un bon sourire.
— Voila, Madame, qui vous dispense de repondre. Qu'en pensez-vous ?
Elle ne repondit rien, se contenta de le regarder, honteuse de decouvrir que, pour la premiere fois depuis longtemps, elle avait envie de rire. Le spectacle de Villa- Andrado gigotant au bout des bras du capitaine ecossais comme une araignee rouge n'etait pas pres de s'effacer de sa memoire.
Quand vint le soir, ce bref instant de gaiete etait bien oublie.
Etaient reunis dans la chambre haute du donjon ou Kennedy avait etabli ses quartiers peu apres la mort du vieux Jean de Cabanes, survenue trois mois plus tot, Catherine, Sara, Gauthier, Frere Etienne, Hugh Kennedy et le senechal de Carlat, un Gascon nomme Cabriac, qui depuis dix ans occupait ce poste. C'etait un homme tout rond, simple et bon enfant, qui n'aimait rien tant que sa tranquillite. Sans ambition, il n'avait jamais souhaite gouverner en personne la forteresse, trouvant infiniment plus confortable de voir les responsabilites reposer sur des epaules plus martiales que les siennes.
Mais il connaissait le fief et ses environs comme personne.
Tout a l'heure, quand le bref jour hivernal s'etait eteint brutalement comme une chandelle que l'on souffle, tous etaient montes jusqu'a la loge du guetteur pour examiner les positions de l'ennemi. Celui-ci s'installait. Les tentes d'epaisses toiles poussaient comme autant de champignons veneneux qui percaient le manteau blanc de la neige. Quelques soldats occupaient les maisons du village. Les paysans epouvantes avaient fui et cherche refuge entre les murs cyclopeens de la forteresse. On les avait repartis un peu partout, la ou il y avait de la place, dans la vieille commanderie, dans les granges vides et les etables. Dans l'enceinte du chateau cela faisait un tohu-bohu de jour de marche car les betes avaient suivi leurs proprietaires. Et, maintenant que la nuit etait tombee, le camp des assaillants formait, autour du gigantesque rocher, une couronne ou les feux tenaient lieu de fleurons etincelants. De rouges panaches de fumee ponctuaient la nuit d'un noir profond, eclairaient fugitivement ici ou la des faces grimacantes, bleuies de froid, qui n'avaient pas grand-chose d'humain. Penchee au couronnement du donjon, Catherine avait l'impression de plonger ainsi sur quelque infernal abime peuple de demons. Mais cette nuit avait considerablement amoindri l'optimisme de Kennedy. Courbe sur l'immensite noire, il avait regarde ces menacantes tenailles rouges se refermer autour de Carlat.
— Qu'allons-nous faire, messire ? demanda Catherine.
Il tourna vers elle son visage de dogue orgueilleux et haussa les epaules.
— Pour l'heure, Madame, je me soucie moins de nous que de Mac Laren. Nous sommes encercles, ou peu s'en faut. Comment nous rejoindra-t-il demain, en revenant de Montsalvy ? Il tombera sur ces gens qui le feront prisonnier... ou pire ! Villa-Andrado est pret a n'importe quoi pour vous amener a composition. On lui posera des questions... Avec tous les supplements desagreables que comporte, chez le Castillan, ce mot-la. Notre ennemi voudra savoir d'ou il venait.
Catherine se sentit palir. Si Mac Laren, pris, parlait sous la torture, l'Espagnol saurait ou trouver Michel. Et quel plus sur otage que le bambin pour amener la mere a resipiscence ? Pour sauver son fils des griffes de Villa- Andrado, Catherine savait bien qu'elle accepterait n'importe quoi.
— Alors, dit-elle d'une voix blanche, je repete ma question.
Messire Kennedy, qu'allons-nous faire ? Du diable si je le sais !
-— II faudrait, emit calmement Frere Etienne, qu'un homme put quitter Carlat de nuit et marcher vers Montsalvy de facon a les rencontrer demain et a les prevenir. Le tout est de faire passer cet homme. Il semble bien que l'investissement de la place ne soit point encore complet. Il y a la, vers le mur nord, un large endroit ou je ne vois briller aucun feu.
Kennedy haussa impatiemment ses lourdes epaules vetues de cuir.
— Avez-vous jamais regarde le rocher en cet endroit ? Une falaise lisse et noire, tombant a pic sur la vallee et dont la courtine double presque la hauteur. Il faudrait une damnee longueur de corde et un rude courage pour descendre ca sans se rompre le cou.
— Je veux bien tenter l'experience, fit Gauthier en s'avancant dans le cercle lumineux dessine par les flammes de la cheminee.
Catherine ouvrait deja la bouche pour protester quand le senechal la devanca.
— Point besoin de corde, ni pour la muraille, ni pour le rocher... Il y a un escalier.
Immediatement, il fut le point de mire de tous les regards. Kennedy l'empoigna par une epaule pour le voir de plus pres.
— Un escalier ? Tu reves ?
— Oh non, messire. Un veritable escalier, etroit bien sur et taille a meme le roc Il part de l'interieur d'une des tours. Seuls, le vieux sire de Cabanes et moi le connaissions. C'est meme par la qu'Escorneb?uf s'est enfui, dame Catherine, le jour ou...
- Предыдущая
- 7/107
- Следующая