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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 32


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Elle avait hate de rejoindre Sara pour la mettre au courant et demanda pour se retirer une permission qui lui fut accordee aussitot.

La Reine et le Connetable devaient avoir a s'entretenir de choses plus graves encore qui n'etaient point faites pour des oreilles profanes, fussent-elles fideles. Mais, en quittant la salle, Catherine se heurta a Pierre de Breze. Le jeune homme faisait les cent pas dans la galerie du bord de l'eau et, en la voyant paraitre, il se dirigea vers elle. Il semblait tres emu et plutot agite.

— Gracieuse dame, dit-il d'une voix emue, ne me prenez pas pour un fou, mais, par grace, accordez-moi quelques instants d'entretien.

J'ai bien des choses a vous dire.

— Tant que cela ? fit Catherine mi-figue mi-raisin. Je pensais que nous nous etions tout dit hier soir.

Le rappel de leur precedente rencontre fit rougir Breze et Catherine, malgre la rancune qu'elle lui gardait, ne put s'empecher de trouver du charme a ce colosse qui rougissait comme une jeune fille. Il etait beau d'ailleurs, avec des traits reguliers et purs qui rappelaient ceux des Montsalvy, ceux de Michel surtout a cause des cheveux clairs et des yeux bleus et, a constater cela, Catherine sentit disparaitre l'instinctif ressentiment qu'il lui avait inspire. Elle le regarda un peu moins severement, accepta meme sa main pour gagner l'une des embrasures des fenetres. La, elle s'assit sur le banc de pierre, leva les yeux vers lui.

— Eh bien, j'ecoute ! Qu'aviez-vous a me dire ?

— D'abord pardon pour hier. J'arrivais tout droit d'une mission dans le Haut-Maine et je suis alle directement a cette chambre qui est la mienne en temps normal. J'ignorais qu'elle fut occupee.

— Dans ce cas, vous etes pardonne. Vous voila satisfait ?

II ne repondit pas tout de suite. Ses doigts, nerveux, tiraillaient les longues dechiquetures doublees de soie grise de son pourpoint de drap bleu dont la seule parure etait les croix de Jerusalem de ses armes brodees sur la poitrine.

— J'ai encore quelque chose a dire ! fit-il sourdement sans meme oser regarder le fin visage, si touchant dans l'encadrement de ses voiles noirs.

Jamais, dans toute sa vie, Pierre de Breze n'avait rencontre de femme aussi belle et la perfection de ce qu'il avait decouvert sans le vouloir, la lumiere emanant de ces merveilleuses prunelles violettes, tout cela l'emouvait au point de le faire trembler, lui, le chevalier de la Reine, l'homme devant qui avaient fui lord Scales et Thomas Hampton, et de le laisser sans forces, desarme au point de ne rien souhaiter de mieux que s'agenouiller et adorer. Catherine etait trop femme, trop fine pour ne pas percevoir le trouble de ce garcon si grand, mais elle etait decidee a ne pas en subir la contagion, quel qu'en fut le charme.

Dites ! fit-elle tranquillement. Il serra les poings, prit une profonde respiration comme un nageur qui se jette a l'eau, puis lanca :

— Renoncez a ce projet insense, n'allez pas la-bas ! Que vous faut-il ? Que La Tremoille meure ? Je fais serment d'aller, en pleine cour, devant le Roi lui-meme, l'abattre en votre nom.

— Ce serait courir a votre perte. Le Roi vous ferait arreter, jeter dans une prison, executer sans doute.

— Que m'importe ! J'aime mieux courir a ma perte que vous voir courir a la votre ! L'idee de ce que vous voulez faire me revolte ! Par pitie... renoncez !

— Par pitie pour qui ? demanda Catherine doucement.

— Pour vous d'abord... et aussi pour moi ! A quoi bon les faux-fuyants, les grands mots et les discours. Je suis malhabile a tout cela, etant avant tout un soldat. Mais vous savez deja que je vous aime, vous n'avez pas besoin que je vous le dise !

— Et, m'aimant, vous voulez mourir pour moi ?

Il se laissa glisser a genoux, tendant vers la jeune femme un visage deja marque par une passion qui l'effraya. Ce garcon etait fait de beau et pur metal, il meritait d'etre aime et elle ne voulait pas le laisser s'engager dans l'impasse que son destin a elle representait. Cependant, il murmurait :

— Je ne desire rien d'autre !

— Et moi je veux que vous viviez ! Vous m'aimez, dites-vous, et cet amour vous pousse a vouloir mourir pour moi ? Vous devez donc comprendre ce qui m'anime et ce desir qui me pousse a tout risquer pour la memoire de l'homme dont je porte le nom... le seul homme que j'aie jamais aime et aimerai jamais !

Il baissa la tete, pesant l'arret definitif de ces quelques mots.

Oh ! soupira-t-il, je n'esperais pas etre un jour aime de vous. J'ai vu bien souvent Arnaud de Montsalvy, deja capitaine quand je n'etais que page ou ecuyer, et jamais, je crois bien, je n'ai admire un homme comme je l'admirais. Je l'enviais aussi. Il etait tout ce que je voulais etre : si vaillant, si fort, si sur de lui- meme ! Quelle femme, ayant l'amour d'un tel homme, pourrait en aimer un autre ? Vous voyez... je n'ai pas d'illusions.

— Pourtant, fit Catherine plus emue qu'elle ne voulait le montrer, vous etes de ceux qu'une femme peut etre fiere d'aimer.

— Mais aupres de lui, n'est-ce pas, je ne representerai jamais rien ?

C'est cela que vous avez voulu me faire comprendre, dame Catherine

? Vous l'avez aime a ce point ?

Une brusque douleur vrilla le c?ur de Catherine a ce rappel de ce qu'elle avait perdu. Un sanglot noua sa gorge, amenant les larmes que, sans honte, elle laissa couler.

— Je l'aime toujours plus que tout au monde ! Je donnerais ma vie, messire, et jusqu'au salut de mon ame, pour le retrouver... ne fut-ce qu'une heure ! Vous voyez, je ne vous cache rien. Tout a l'heure, vous me parliez des dangers que j'allais courir. Mais, si je n'avais un fils, il y a longtemps que j'aurais cherche la mort, pour au moins avoir le droit de le rejoindre.

— Alors, vous voyez bien qu'il vous faut vivre ! Oh, laissez-moi vous aider, etre votre ami, votre defenseur. Vous etes trop fragile pour vivre sans aide ces temps sans merci ! Je jure de ne pas vous importuner de mon amour, de ne rien demander autre que le droit d'etre votre chevalier. Acceptez de m'epouser. J'ai un beau nom, une fortune... et une grande ambition.

Interloquee, Catherine secha ses larmes et ne sut pas tout de suite que repondre. Elle se leva sans qu'il quittat sa position de suppliant.

— Vous allez vite ! dit-elle gentiment. Quel age avez-vous ?

— Vingt-trois ans !

— J'en ai presque dix de plus !

Qu'importe ! Vous avez l'air d'une jeune fille et vous etes la plus belle dame qui ait jamais pose le pied sur la terre ! Que vous le vouliez ou non, vous serez ma dame et je ne porterai plus que vos couleurs !

— Mes couleurs sont de deuil, messire, de sable et d'argent.

N'aviez-vous donc point de dame avant que je ne vienne ?

A la grande surprise de Catherine, Pierre de Breze fit une affreuse grimace et avoua, de fort mauvaise grace :

— Une dame, non ! J'ai une fiancee, Jeanne du Bec- Crespin...

mais elle est d'une laideur a laquelle je ne m'habitue pas !

Du coup Catherine se mit a rire et l'atmosphere s'en trouva singulierement detendue. Son rire s'egrena si clair, si jeune que Pierre, entraine malgre lui, ne put qu'y faire echo. D'un mouvement spontane, elle lui tendit ses deux mains dans lesquelles il enfouit son visage.

— Gardez votre fiancee, messire Pierre ! dit-elle en reprenant son serieux. Et, a moi, donnez-moi seulement votre amitie. C'est de cela, voyez-vous, que j'ai le plus besoin.

Il releva vers elle un regard ou revenait l'espoir.

— Je pourrai veiller sur vous, porter vos couleurs, vous defendre ?

— Mais oui ! A la condition toutefois que vous ne fassiez rien qui entrave la bonne marche de mes projets. Vous le promettez ?

— Je promets, fit-il sans enthousiasme. Mais je serai a Amboise tout le temps que vous y serez vous-meme, dame Catherine, et s'il vous advenait quelque mal...

Le visage de Catherine se fit grave, soudain. Elle retira ses mains que le jeune homme avait gardees et les glissa dans ses larges manches. Une ombre envahissait ses yeux en meme temps qu'un pli de determination marquait ses levres.

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