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Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 29


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— Monseigneur, votre accueil m'emeut et me touche plus que je ne saurais dire. Mais je vous prie de disposer de moi comme vous auriez dispose de mon epoux bien-aime s'il avait plu a Dieu de me le laisser ! Je n'ai plus, ici-bas, d'autre desir que le venger et rendre a son fils ce qui lui est du !

— Il en sera fait selon votre desir. Venez !

Cote a cote, ils s'avancerent vers le trone ou Yolande attendait. Elle sourit a la jeune femme.

— Saluez Sa Reverence l'eveque de notre bonne ville puis venez vous asseoir ici, dit-elle en designant un coussin de velours dispose sur les marches du trone.

Lorsque Catherine y fut installee, on lui presenta les hommes presents. Il y avait la, outre Pierre de Breze dont les yeux ne la quittaient pas, le seigneur de Chaumont, epoux de la gentille Anne, le frere de celle-ci, Jean de Bueil, gouverneur de Sable, Ambroise de Lore, Pregent de Coetivy, ami personnel du connetable, enfin, un peu a l'ecart, un homme d'aspect modeste et de mine taciturne qui etait l'ecuyer de Richemont et se nommait Tristan l'Hermite. Tous etaient jeunes, le plus vieux etant le connetable qui atteignait tout juste la quarantaine et tous vinrent baiser respectueusement la main de la jeune femme. Seul, Breze y ajouta un soupir et un regard qui firent rougir Catherine jusqu'aux oreilles.

Elle chassa cette gene avec impatience. Qu'avait-elle a faire de cet homme a la minute ou tant de choses graves allaient etre dites ? C'etait de vengeance qu'il etait question et non de se laisser conter fleurette par le premier damoiseau venu ! Elle lui jeta un regard severe et detourna la tete.

Mais, deja, la Reine prenait la parole.

— Messeigneurs, nous voici maintenant au complet puisque nous ne pouvons esperer la presence des capitaines La Hire et Xaintrailles qui guerroient en Picardie. Lors de votre precedente reunion qui eut lieu en septembre dernier, a Vannes, aux funerailles de la duchesse de Bretagne, Madame Jeanne de Valois, vous avez conclu un accord visant a la perte de Georges de La Tremoille. Il est, je pense, inutile que je vous rappelle ses mefaits. Non content d'avoir livre Jehanne la Pucelle, de faire regner la terreur dans le royaume, de reduire le Roi a la misere tandis qu'il s'enrichit lui- meme scandaleusement, de le jeter en prison et de ruiner les meilleurs d'entre nous, tels Louis d'Amboise qui vous est cousin a tous, et Arnaud de Montsalvy, de livrer aux Anglais la ville de Montargis qui est a Madame de Richemont, d'avoir porte la guerre sur nos propres terres et fait piller et ravager par son valet Villa-Andrado l'Auvergne, le Limousin et le Languedoc, cet homme ose encore s'opposer aux tentatives de rapprochement que, depuis des mois, patiemment, nous avions entreprises avec le duc de Bourgogne. Depuis pres d'une annee, le legat du pape, le cardinal de Sainte-Croix, Nicolas Albergati, tient conference sur conference avec les envoyes de Bourgogne pour aboutir a la paix. Et que fait pendant ce temps La Tremoille ? En octobre passe, il essaie d'assieger Dijon et lance en meme temps une maladroite tentative d'assassinat contre le duc Philippe au moment precis ou la mort de la duchesse de Bedford, s?ur de Philippe, le detournait de l'alliance anglaise. Cela ne peut durer ! Jamais nous ne parviendrons a chasser l'Anglais et a rendre la paix a ce royaume tant que le Grand Chambellan tiendra le Roi sous sa griffe. Vous avez jure, messeigneurs, d'en purger la France.

J'attends ce que vous avez a me proposer !

Un silence suivit le requisitoire de la Reine. Catherine retenait son souffle, pesant au fond d'elle-meme les nouvelles qu'elle apprenait ici.

Elle decouvrait combien elle avait ete eloignee de tous ces evenements et aussi, non sans surprise, qu'une tentative d'assassinat contre son ancien amant, Philippe de Bourgogne, la laissait insensible.

Les liens qui les avaient unis etaient rompus, sans plus laisser de trace que l'amarre tombee d'un navire qui s'eloigne de la terre. Et c'etait comme si une autre qu'elle-meme eut vecu ces heures brulantes dans les bras du beau duc et comme si ce ne fut pour elle rien d'autre qu'une histoire entendue un soir, a la veillee.

Cependant, tous les regards, y compris celui de Catherine, se tournaient vers le connetable. Tete basse, les bras croises sur sa poitrine, il semblait reflechir profondement. Ce fut l'eveque octogenaire qui rompit le silence. Sa voix grelotta comme une clochette felee.

— Par deux fois, Sire Connetable, vous avez debarrasse le Roi, et cela malgre lui, de ses indignes favoris. Une troisieme fois vous ferait-elle peur ? Qu'a le Sire de La Tremoille de plus que Pierre de Giac ou le Camus de Beaulieu ? Vous avez fait coudre le premier dans un sac jete a l'Auron, egorger le second ; pourquoi donc La Tremoille vit-il encore?

Parce qu'il se garde mieux que les autres. Giac se croyait protege du Diable auquel il avait vendu sa main droite. La tete de Beaulieu n'etait qu'un grelot vide. Celle de La Tremoille est pleine d'une dangereuse astuce. Il se sait hai et agit en consequence. Nous avons jure sa perte, mais il semble que ce ne soit pas chose facile a realiser.

L'eveque eut un rire sec.

— Il s'agit seulement de frapper. Je vois mal ce qui vous retient.

Vous etes tenu a l'ecart de la cour, soit ! Mais vous avez suffisamment d'hommes devoues...

— Et que ferait l'un de ces hommes devoues ? coupa sechement Richemont. Approcher La Tremoille est impossible pour qui n'a pas sa confiance. Il a fait du Roi, qu'il ne quitte jamais, son premier gardien. Depuis l'ete il s'est enferme avec lui dans la forteresse d'Amboise, et n'en est pas sorti a l'exception d'un court sejour, toujours avec le Roi, dans son propre chateau de Sully. Ce n'est pas le desir de tuer qui nous manque, c'est le moyen !

— Le ton morne du connetable glaca le sang de Catherine. Sur l'accoudoir du trone, elle vit se crisper la main de Yolande, sentit son agacement dans sa propre chair. Pourquoi ces atermoiements, ces questions qui semblaient devoir rester sans reponse. A quoi bon ce conseil si l'on devait seulement y constater l'impuissance des conjures

? Mais, comme la reine se taisait, elle n'osa pas davantage parler.

D'ailleurs l'eveque se levait avec agitation.

— Un habile archer peut atteindre n'importe quelle cible, n'importe ou. Quand La Tremoille sort...

— Il ne sort jamais ! Il est devenu si gros et si lourd qu'aucun cheval ne saurait plus le porter. Il voyage en litiere fermee, cernee de gardes et porte cotte de mailles pendant son sommeil, j'imagine !

— Frappez la nuit...

— Il ne partage meme pas le logis du Roi qu'il juge trop peu sur.

La nuit, c'est dans le donjon, sous la garde de cinquante hommes armes, que La Tremoille se laisse aller au sommeil.

— Le poison, alors, durant les repas.

Richemont poussa un soupir de lassitude. Ce fut son ami Pregent de Coetivy qui repondit, d'une voix sombre :

— Ses mets et ses vins sont goutes par trois officiers du Roi.

Monseigneur de Bueil poussa un cri de colere, arracha ses lunettes et les jeta a terre.

— Est-ce la tout ce que vous avez a nous dire, Sire Connetable ?

Vous avouez ici votre impuissance ou bien La Tremoille est-il le demon incarne ? Par la mort-Dieu, Monseigneur, il s'agit d'un homme de chair et de sang, entoure d'autres hommes faibles ou cupides que l'on doit pouvoir acheter et qui vendraient leur devouement au poids de l'or peut-etre.

— Je me mefie des devouements que l'on achete, seigneur eveque.

Certes, il nous faudrait un homme capable non seulement de se devouer, mais encore de sacrifier sa vie, car il faudrait frapper sous les yeux memes du Roi et le meurtrier n'en sortirait pas vivant. Lequel d'entre vous, messires, est pret a aller plonger sa dague dans la gorge de La Tremoille et a tomber aussitot sous les coups des gardes ?

Un pesant silence suivit la question sarcastique du connetable. Les chevaliers se regardaient avec embarras et une bouffee de colere gonfla la poitrine de Catherine. Ces hommes n'avaient plus a faire leur reputation de vaillance. Parmi les plus braves, ils etaient les meilleurs et, pourtant, aucun d'eux n'osait avancer, n'osait mettre sa vie en jeu contre celle de leur ennemi. Ils voulaient bien combattre au grand jour, aux clairs rayons du soleil de la gloire, dans le fracas des armes et le claquement soyeux des oriflammes, mais tuer dans l'ombre, frapper par surprise et tomber ensuite sous les coups des valets, cela, leur orgueil le repoussait de toutes ses forces. Peut- etre aussi se jugeaient-ils trop importants pour le royaume, trop necessaires a l'eclat des armes de France pour se ravaler au rang d'executeur de basses ?uvres ? Ou peut-etre qu'ils n'avaient pas assez souffert de La Tremoille ? Sinon, ils ne desireraient rien d'autre que sa vie, son sang... par tous les moyens ? Ils lui vouaient une haine sans chaleur et leur combat etait celui de la politique, du desir noble mais froid d'arracher le pouvoir et la personne du Roi de ses mains indignes. Mais ce n'etait pas sa haine a elle, cette fureur nee de ses entrailles memes de femme desesperee, frustree de tout ce qui avait ete son unique raison de vivre. Ils etaient, ces hommes, seulement indesirables a la cour et certains avaient vu un de leur proche patir de La Tremoille, mais ils n'avaient pas vu leurs chateaux en flammes, leurs noms salis, leurs vies menacees et l'etre qui leur etait le plus cher retranche a tout jamais du nombre des vivants.

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