Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 27
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— Mon enfant, dit-elle doucement, vous voici enfin ! Il y a si longtemps que je desire vous voir.
Une profonde emotion s'empara de Catherine. Elle avait tant souhaite se retrouver la, a cette place de suppliante aux pieds de la seule femme en qui elle eut confiance dans l'entourage du Roi, de tendre vers la reine de Sicile ses mains desarmees et implorantes, d'attendre d'elle aide et secours, qu'elle fut incapable de repondre.
Cachant son visage dans ses mains tremblantes, elle eclata en sanglots.
Un instant, Yolande contempla la mince forme ecroulee devant elle dans ses vetements usages. Elle aussi avait note la lassitude du ravissant visage, le desespoir des yeux violets, toute cette douleur que chaque trait de Catherine, chacun de ses gestes proclamaient. Puis, avec une exclamation de pitie, elle se leva, saisit la jeune femme dans ses bras et, comme l'eut fait l'humble Sara, appuya maternellement contre son epaule le doux visage en larmes.
— Pleurez, mon petit, murmura-t-elle, pleurez ! Les larmes soulagent.
Sans lacher Catherine, elle se detourna legerement, eleva la voix.
1 Le futur et celebre roi Rene.
— Laissez-nous, Madame de Chaumont ! Vous reviendrez dans un moment. Jusque-la, faites preparer une chambre pour Madame de Montsalvy.
La dame d'honneur plongea dans une reverence silencieuse et disparut sans faire plus de bruit qu'une ombre. Cependant, la Reine conduisait doucement Catherine jusqu'a une grande banquette garnie de velours ou elle la fit asseoir aupres d'elle. La, elle attendit patiemment que cessent les sanglots de la jeune femme. Quand elle la vit plus calme, elle tira de son aumoniere un petit flacon d'eau de la reine de Hongrie et en versa quelques gouttes sur un mouchoir dont elle tamponna le visage de Catherine. L'odeur, douce et piquante a la fois, lui rendit pleine conscience et, honteuse, elle s'ecarta de Yolande, voulut s'agenouiller de nouveau, mais on la retint d'une main ferme.
— Causons entre femmes, si vous voulez bien, Catherine ! Si j'ai envoye Frere Etienne vers vous, ce n'est pas pour vous traiter comme n'importe quelle dame de parage et pleurer avec vous. L'heure approche ou nous allons nous debarrasser de l'homme auquel vous devez votre malheur, du triste Sire qui, dans le seul et vil but de s'enrichir, vend le royaume a l'encan et tente d'achever l'?uvre miserable de la reine Ysabeau. Vous en avez trop souffert pour ne pas etre la.
— Nous avons ete traques, poursuivis, proscrits comme des criminels, ruines et prives de tout. Nous serions morts a l'heure qu'il est si le comte de Pardiac n'etait venu a notre aide. Mon fils n'a plus de nom, plus de terre... et mon epoux est lepreux ! fit Catherine sombrement. Que pourrait-il nous arriver de pire ?
Il peut toujours arriver quelque chose de pire, rectifia doucement la Reine, mais ce qu'il importe de faire, maintenant, c'est de rendre au nom de Montsalvy son ancien eclat et de preparer a votre fils l'avenir qui convient. Voyez-vous... j'aimais beaucoup votre epoux. Sous des dehors rudes, c'etait un parfait gentilhomme et l'un des plus vaillants de ce pays. Les victimes de La Tremoille sont de trop haute valeur pour ne pas les venger comme il convient. Voulez-vous nous aider ?
— Je ne suis venue que pour cela, fit Catherine farouchement, j'attends de Votre Majeste qu'elle veuille bien me guider.
Yolande allait repondre quand un bruyant appel de trompette retentit a l'exterieur du chateau, declenchant un immediat remue-menage dans l'immense demeure. La duchesse-reine, elle-meme, s'etait levee et se dirigeait vers la fenetre qui donnait sur la chapelle et la vaste cour interieure. Catherine la suivit, machinalement. Au-dehors des hommes d'armes sortaient en courant des salles de garde et se ruaient vers le portail en s'equipant hativement. Du logis ducal s'echappait un flot de pages, d'ecuyers et de seigneurs. Catherine songea que, dans le clair-obscur de cette fin de journee, ils avaient l'air de descendre tout juste des grandes tapisseries des murs.
Cependant Yolande d'Aragon frappait du pied avec impatience.
— Pourquoi tout ce vacarme ? Que signifie cette agitation ? Qui donc nous arrive la ?
Comme pour repondre a ses questions, la porte s'ouvrit et Madame de Chaumont reparut, souriante, salua.
— Madame ! C'est Monsieur le Connetable qui nous arrive de sa terre de Parthenay. Votre Majeste...
L'exclamation de joie de la Reine lui coupa la parole.
— Richemont ! C'est le ciel qui l'envoie ! Je vais l'accueillir.
Elle se tourna vers Catherine avec un geste qui invitait a la suivre, mais se ravisa devant la mine defaite de la jeune femme.
— Allez vous reposer, ma chere, dit-elle avec bonte. Madame de Chaumont va vous conduire. Demain, je vous ferai mander et nous tirerons nos plans.
Silencieusement, Catherine s'inclina et suivit la dame d'honneur pendant que Yolande sortait par une autre porte. Elle se sentait la tete affreusement vide et se deplacait machinalement, comme a travers des nuages.
Docilement, elle se laissa mener, sans un mot, a une chambre situee a l'etage superieur et dont les deux fenetres donnaient sur la grande cour. Elle n'avait aucune envie de parler et Madame de Chaumont respecta son silence. C'etait une aimable jeune femme blonde, au visage rond et aux grands yeux bruns, vifs et joyeux, qui semblait, avoir toutes les peines du monde a maitriser une extreme vitalite. Tres jeune puisqu'elle n'avait pas vingt ans, Anne de Bueil etait toute de meme mariee depuis cinq ans a Pierre d'Amboise, seigneur de Chaumont, et elle avait deux enfants, mais il n'y paraissait guere. Elle semblait faire un effort continuel pour contraindre sa nature exuberante a la vie quelque peu compassee d'une cour royale.
Visiblement, elle avait tres envie de bavarder, mais, non moins visiblement, Catherine avait surtout besoin de repos et de calme. La petite Madame de Chaumont se contenta donc de lui decocher un sourire eclatant.
— Vous voici chez vous, Madame de Montsalvy. Je vais vous envoyer d'abord votre suivante et ensuite deux cameristes pour vous aider a vous installer. Aimeriez- vous un bain ?
Les yeux de Catherine brillerent a l'evocation de ce delice oublie.
Un bain ! Il y avait des mois qu'elle n'en avait pris. Des l'automne il avait fait trop froid dans les rudimentaires etuves de Carlat et, depuis qu'elle avait quitte l'Auvergne, son voyage ne lui avait pas offert pareil confort.
— J'aimerais bien ! fit-elle, rendant son sourire a la jeune femme.
Il me semble que je porte sur moi toutes les boues du royaume !
— C'est l'affaire de quelques instants !
Et Anne de Chaumont disparut dans un grand tourbillon de velours rouge et de satin gris. Demeuree seule, Catherine faillit se laisser tomber sur le lit, mais le vacarme qui s'elevait de la cour l'attira vers les fenetres. Il y avait tant de torches allumees, tant de pots a feu brulant dans leurs cages de fer que l'on y voyait comme en plein jour et que le reflet de toutes ces flammes dan sait au plafond de la chambre de Catherine, luttant victorieusement contre le bouquet de bougies et le feu de la cheminee conique qui en assuraient la lumiere et la chaleur.
En bas, une veritable armee de serviteurs en livree, de pages, d'ecuyers, de soldats, de dames et de gentilshommes entouraient un groupe de cavaliers bardes de fer, impressionnant mur gris aux reflets sinistres, a peine eclaire par les tabards blancs aux queues d'hermine noire de Bretagne. Ces chevaliers se pressaient autour d'une grande banniere blanche, portant un sanglier arrete devant un petit chene vert et la devise « Que qui le veuille ! » brodee sur une banderole rouge. A quelques pas en avant de leur groupe, un homme, dont le heaume portait en cimier un lion d'or couronne, mettait pied a terre avec l'aide d'un ecuyer. La visiere pointue du casque etait relevee et Catherine reconnut le visage balafre du Connetable. D'ailleurs la grande epee de France, fleurdelysee, battait le flanc gauche du redoutable Breton.
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