Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта - Страница 22
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— Vous allez repartir ?
— Naturellement. Vous n'imaginez pas, Catherine, les possibilites que l'on trouve en Orient ? Prenez le sultan du Caire. Il possede de l'or, de l'or en fabuleuse quantite, mais il n'a pas d'argent ou tres peu.
Je connais, moi, d'anciennes mines jadis exploitees par les Romains et abandonnees depuis. Abandonnees, mais pas taries. Que je puisse extraire l'argent, le transporter au Caire, et cet argent me permettra d'acheter de l'or, infiniment moins cher qu'en Europe, et de realiser de fantastiques benefices. Ah, si j'avais, des maintenant, de puissants capitaux !
Tandis que Jacques C?ur parlait, l'imagination de Catherine trottait. Cet homme, dont elle connaissait l'intelligence aigue, le courage et l'audace, etait capable de remuer le monde pour lui arracher la fortune. Quant aux idees, Jacques en debordait. Elle n'hesita meme pas.
— Ces capitaux, mon ami, je crois pouvoir vous les apporter.
— Vous ?
L'etonnement sincere du pelletier etait flagrant. Durant le long sejour a Carlat, Catherine avait appris a Macee, par une lettre, le desastre de Montsalvy et, comme tout le monde dans l'entourage royal, il savait qu'Arnaud et les siens etaient frappes de proscription, recherches.
L'equipage de Catherine ne proclamait guere, lui non plus, la richesse.
La jeune femme sourit gentiment, fouilla dans son aumoniere.
— Rien que dans cette pierre, je pense qu'il y a le chargement d'une galee tout entiere.
Trois cris de stupeur eclaterent simultanement autour d'elle. Sur sa main, le diamant de Garin etincelait comme un petit soleil noir.
D'emotion, maitre Amable, les yeux ronds comme des billes, en avait laisse choir une ecuelle tandis que sa servante joignait les mains instinctivement. Les yeux soudain retrecis de Jacques allerent du merveilleux joyau au visage impassible de Catherine.
— Voila donc, dit-il lentement, le fameux diamant du Grand Argentier de Bourgogne ! Quelle splendeur ! Jamais je n'ai vu pierre comparable a celle-la.
Il tendit la main, prit delicatement, entre deux doigts, la fabuleuse pierre et en fit jouer les feux dans la lumiere. Un ruissellement de flammes s'alluma au bout de ses doigts. Un peu de rouge monta aux joues de Catherine.
— Prenez-le, Jacques, vendez-le et tirez-en tout ce que vous pourrez !
— Vous ne souhaitez pas garder une telle merveille ? Savez-vous qu'il y a dans cette petite pierre la rancon d'un roi ?
— Je le sais. Mais je sais aussi que c'est une pierre maudite. Elle seme le malheur partout ou elle passe et ceux qui la possedent ne trouvent jamais le repos. Il faut la vendre, Jacques... peut-etre alors le malheur m'oubliera-t-il, ajouta-t-elle sourdement.
La felure de sa voix n'echappa pas au pelletier. Sa main libre se posa doucement sur celles, tremblantes, de la jeune femme.
Je ne crois pas a ces contes, Catherine. La beaute ne peut etre nefaste et ce diamant represente la pure beaute. Si vous me le confiez, j'en tirerai la prosperite de tout le royaume. Je lancerai des caravelles sur les mers, j'etablirai des comptoirs, j'arracherai a ce sol ravage ses richesses profondes et les lui rendrai en abondance. Je ferai votre fortune, la mienne et celle du Roi par-dessus le marche.
Il l'offrait de nouveau a Catherine, mais, d'un geste a la fois doux et ferme, elle le repoussa.
— Non, Jacques, gardez-le. Il est a vous ! J'espere que vous saurez, en effet, lui arracher son pouvoir malefique et le faire servir au bien de tous. Si vous n'y parvenez pas, n'ayez pas de regrets. Je vous le donne.
— Je n'accepte qu'un depot, Catherine, ou un pret, si vous preferez. Je vous le rendrai au centuple. Vous releverez Montsalvy et votre fils comptera parmi les grands de ce monde chez lesquels un beau nom s'assortit obligatoirement d'une grande fortune. Mais... cet aubergiste nous laisse mourir de faim ! Hola, maitre Amable, et ce diner ?
Tire de sa contemplation, le digne aubergiste se hata de courir a sa cuisine pour chercher la soupe aux herbes annoncee plus tot. Jacques C?ur se leva, offrit la main a Catherine.
— Venez souper, ma chere associee, et que Dieu soit beni qui vous a mise sur mon chemin. Nous irons loin, vous et moi, ou je ne m'appelle plus Jacques C?ur.
Il l'aida a s'installer a table puis, s'assurant qu'Amable et sa servante etaient eloignes, chuchota :
— Vous avez ete imprudente de produire cette pierre dans une auberge. Amable est un brave homme, mais vous ignorez sans doute que La Tremoille desire ce diamant noir. Son cousin Gilles de Rais a eu l'imprudence de lui en parler et il ne reve plus que de se l'approprier. Il vous faudra etre tres prudente, ma chere, quand vous approcherez de la Cour.
— Eh bien mais, c'est a merveille ! Vendez-lui le diamant.
Jacques C?ur eut un rire sec et haussa les epaules.
Etes-vous encore si naive ? Si le chambellan apprenait que je possede cette pierre, je ne donnerais pas cher de ma peau. Pourquoi voulez-vous qu'il paie quand il peut si aisement prendre... et faire tuer au besoin ?
— Voila donc pourquoi le Castillan Villa-Andrado veut m'epouser avec la benediction de La Tremoille. Les terres de Montsalvy seraient sans doute remises a l'Espagnol tandis que le diamant paierait La Tremoille de son aide.
— Vous vous minimisez, ma chere ! Le Castillan est tres reellement epris de vous, je crois. C'est vous qu'il veut, mais, bien entendu, il ne dedaigne pas vos terres. Le Roi les a confisquees et les lui rendrait sans doute.
— De toute facon, intervint Frere Etienne, je suppose que, demain meme, le diamant s'eloignera avec vous de Dame Catherine ?
— Le temps de passer marche ici et je continue sur Beaucaire. La-bas, la communaute juive est riche et puissante. Je connais un rabbin, Isaac Abrabanel, son frere est l'un des chefs des Juifs de Tolede et la famille est extremement riche. J'aurai chez lui tout l'or que je voudrai contre ce diamant.
Pour l'avertir que l'aubergiste revenait, Frere Etienne toussota et, croisant les doigts, pencha le nez sur son ecuelle et se mit a dire le benedicite que chacun ecouta pieusement, puis on s'occupa a restaurer des forces durement eprouvees par le chemin. Catherine se sentait extraordinairement allegee depuis qu'elle avait vu le diamant noir disparaitre dans l'escarcelle de Jacques C?ur. Elle avait ete bien inspiree car c'etait la une traite importante tiree sur l'avenir. De toute facon, Michel serait riche un jour, grace a Jacques C?ur, et meme, si le pardon royal n'etait jamais octroye a ses parents, il pourrait vivre libre et dans l'opulence hors des frontieres de France. Mais Catherine voulait plus, Catherine voulait mieux. La fortune, c'etait seulement une partie de son plan. Ce qu'elle entendait arracher au destin, c'etait la fin du Grand Chambellan et l'amnistie royale pour Arnaud et pour elle. Le nom des Montsalvy devait retrouver tout son eclat ou bien sa vie n'aurait plus de sens.
Le diner que maitre Amable servit avec toutes les marques d'un profond respect se deroula tout entier a ecouter Jacques C?ur faire des projets d'avenir. Il n'avait pose aucune question a Catherine concernant son epoux, ou meme le but de son voyage, mettant a son silence un point d'honneur de discretion. Fidele a sa decision de preserver de toute trace d'horreur le nom d'Arnaud, Catherine avait, naguere, annonce sa mort a Maree. Sans doute le pelletier voulait-il eviter de reveiller par une question maladroite une douleur qui, peut-
etre, s'endormait. Et Catherine lui sut gre de sa delicatesse. Mais, frequemment, son regard croisait celui du pelletier et elle croyait bien y lire, alors, une sorte d'interrogation melee de perplexite. Il devait se demander quels mots employer pour l'interroger sur ce qu'elle entendait faire, desormais, de sa vie, sans se montrer indiscret ou blessant. Finalement, il s'en tira avec une boutade.
— J'ai dit tout a l'heure que l'Orient vous irait bien, Catherine ?
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