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Том 4. Письма 1820-1849 - Тютчев Федор Иванович - Страница 60


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Простите. — До свидания.

Ганке В., 16/28 апреля 1843

82. ВАЦЛАВУ ГАНКЕ 16/28 апреля 1843 г. Мюнхен

Минхен. Сего 16/28 апреля 1843

Милостивый государь.

Как мне достойно благодарить вас за вашу память и за ваш драгоценный подарок? При виде этой пресловутой книжицы в ее новом щегольском наряде, этих многоразличных, многозначительных письмен одной Великой Семьи — особливо при виде вашего имени, я снова очутился в Праге, над золотистыми струями вашей именитой Молдавы, на высотах Градчина, в тихой и минутной беседе с вами, милостивый государь.

Волшебный город эта Прага! — Я, москвич, должен сознаться, что ничего не видывал краше ее… Ни один город не оставил во мне такой живой памяти. Ни один город не смотрит на посетителя такими чудными, человечески-понятливыми глазами… В них столько жизни настоящей и столько пророческого… Вероятно, у вашей пророчицы Ванды были такие же глаза. — В самом деле, нельзя, посетив Прагу, нельзя не чувствовать на каждом шагу, что на этих горах, под полупрозрачною пеленою великого былого, неотразимо и неизбежно зреет еще большая будущность!

Простите. — На днях я отправляюсь на несколько месяцев в Россию. По расстоянию я буду далее от вас, по чувству — ближе… Ибо я буду там, где ваше имя, милостивый государь, не просто ценится, как европейская именитость, но где дорожат им, как родовым достоянием, — где с каждым днем, по мере развития народного самопознания, растет и крепнет сочувствие с вами и с вашими.

Простите, будьте счастливы и действуйте долго и успешно на пользу и благо вашей родины и всего славянского мира. Urbi et orbi.

Поручая себя вашей памяти и дружбе, с искренним почтением и преданностию честь имею быть, милостивый государь, ваш покорный слуга

Ф. Тютчев

Тютчевой Эрн. Ф., 13/25 июня 1843

83. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 13/25 июня 1843 г. Вена

Vienne. Ce 13 juin <18>43

C’est donc demain, ma chatte chérie, que nous nous lançons dans la haute mer. J’ai obtenu de mon frère qu’il abrégeât le temps de sa cure, si bien que c’est définitivement demain, le 14, que nous partons. Nous prenons le chemin de fer qui nous conduit à moitié chemin de Cracovie, puis par Cracovie à Varsovie où nous nous arrêterons quelques jours et d’où je t’écrirai.

Ce qui me contrarie souverainement, c’est de partir d’ici avant d’avoir ta lettre qui est en chemin en ce moment. J’aurai bien le soin de recommander ici qu’on me la transmette à Varsovie, mais m’y trouvera-t-elle? Si bien que maintenant je pourrais rester des 3 et 4 semaines sans avoir de tes nouvelles, car dès à présent c’est à Moscou qu’il faudra que tu m’adresses tes lettres. A Moscou…

Eh bien, ma chatte, commences-tu maintenant à croire à l’absence? Quant à moi, j’en suis pénétré… Il me semble qu’il y a six mois que je t’ai quitté… et cependant avant-hier, le 11, il y a eu juste un mois, que nous lisions, le soir, dans le grand salon quelques pages de Jocelin. Te souviens-tu de cette soirée? Ah oui, je dois l’avouer, l’absence me réussit mal, les objets qui m’entourent, loin de me distraire par leur nouveauté, ne font que m’attrister. Ils s’interposent comme un mur entre moi et cette vie aimée que j’ai quittée et qui recule tellement dans le lointain, qu’il me semble impossible que jamais je parvienne à la ressaisir. Quant à toi, tu me fais l’effet d’un être fantastique impossible. Je me demande si je suis bien le même homme qui il y a quelques jours encore s’appelait le bon loup, le vieux chien, etc. etc., qui était l’objet d’une préoccupation constante, d’une si affectueuse sollicitude. Décidément c’était un rêve et ce qui le prouve, c’est qu’il était si doux.

Allons, un peu de raison pour l’amour de Dieu, car si cette disposition d’esprit allait prendre le dessus, que deviendrai-je à Moscou, que je sentirai la distance croître entre nous, croître par centaines de lieues, et la chaîne s’alourdit de plus en plus, en s’allongeant?.. Un peu de raison me serait si nécessaire, ne fût-ce que pour faire aboutir ce maudit voyage à un résultat quelconque et pour ne pas perdre tout le fruit de sacrifice que je m’impose, car, je le prévois, je vais au-devant d’une foule d’impressions pénibles, des malentendus, de contradictions, tant à Moscou, qu’à Pétersbourg, et ce n’est qu’à force de calme et de raison que je puis espérer de les conjurer, en partie au moins…

Que fais-tu en ce moment, ma chatte chérie? A la réception de cette lettre tu seras probablement dans les préparatifs de ton déménagement pour Tegernsee. La bonne Casimire y est-elle déjà? Car à l’heure qu’il est je la suppose délivrée de la grossesse de sa belle-fille? Vas-tu quelquefois, pour l’amour de moi, saluer le Bouvreuil sur son perchoir? Sais-tu quelque chose de Sévérine et de son congé? La bonne humeur de ton frère se soutient-elle? Et l’inexorable belle-sœur a-t-elle fait grâce à la figure de la Böhnen? Comment celle-ci se plaît-elle à Munich?[22] Mais avant toute chose parle-moi de ta santé, c’est-à-d de cette sacrée mâchoire qui brave tous les remèdes? Les sangsues et les poudres t-ont-elles procuré quelque soulagement? Et Marie? Maintenant que la voilà maîtresse absolue du terrain, comment puis-je me flatter que je n’en serai pas damné à tout jamais. Quoiqu’il en soit, embrasse-la mille et mille fois pour moi. Que ne donnerais-je pas pour la voir en ce moment, de cette table d’auberge où j’écris, remuer laborieusement les meubles dans ton coin?

Je quitterai Vienne demain matin à 7 h. Cette fois Vienne me laissera un souvenir beaucoup plus terne que les précédentes. C’est après tout une petite ville comparativement à une ville comme Paris et de plus un fort maussade séjour pour tout étranger qui serait ici à demeure. L’autre jour le Brochet et moi, nous sommes allés fraternellement passer une demi-journée à Schönbrunn. Nous avons grimpés à la Gloriette, située sur une hauteur en face du Château d’où l’on domine tout Vienne. La vue qu’on a de là est magnifique, et les deux amis sont restés plongés dans une muette extase, contemplation, sans songer même à se communiquer leurs impressions respectives. Après quoi ils se sont dirigés vers la ménagerie, où l’un d’eux a paru beaucoup s’amuser, et ont fini leur tournée par le casino où ils se sont fait servir l’un qui était encore à jeun un chétif dîner, et l’autre sa tasse de café au lait. Puis vers le soir ils sont rentrés ensemble, sans se parler beaucoup, il est vrai, mais heureux en apparence de la présence l’un de l’autre.

Après la figure du Brochet celle que j’ai vue ici avec le plus de plaisir est assurément la figure de Jennyson. Ne va pas te récrier contre ce témoignage. Il faudrait le voir, comme je le fais, à la lumière de Vienne et à travers le prisme des souvenirs de Munich. Il m’a fait d’ailleurs un accueil parfaitement aimable, et tu pourrais dans l’occasion en faire le compliment à Casimire. Je lui laisse par reconnaissance les 4 volumes de l’ouvrage de Custine, qu’il était très curieux de lire et qu’il est difficile de se procurer ici. Il m’a promis de les renvoyer à Munic aussitôt qu’il les aura lu et je l’ai même engagé à te les faire parvenir à Tegernsee. Alors, ma chatte, tu n’as qu’à lire le troisième volume, qui contient une description très animée et très pittoresque de Moscou, pour essayer de te faire une idée telle quelle d’une ville qui, à trente et un an de distance, aura été le théâtre des tribulations de Napoléon et des miennes.

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